Du début à la fin des Contemplations, Victor Hugo use de toute la polysémie du mot " hydre ". Pour ne prendre que deux autres exemples cela va des lointaines " constellations, ces hydres étoilées " (I.4) aux minuscules et microscopiques animaux aquatiques (beurk…) en passant par " l'hydre affreuse de Lerne " (II.3 Le Rouet d'Omphale). L'hydre de Lerne est ce serpent mythique à sept têtes auquel il en renaît plusieurs quand on lui en coupe une. Par allusion à cette mythologie, le terme désigne deux constellations (le Serpent austral et la Couleuvre) et, en zoologie, un polype qui a la faculté de régénérer les partie de son corps qui sont coupées. Hugo combine l'astral et l'aquatique : ses hydres, figuration monstrueuses de l'informe, abolissent les frontières entre le haut et le bas, le dedans et le dehors; un chaos qui devient cosmique et abyssal à la fois à la fin du recueil avec le terrible " hydre Univers " qui a le " corps écaillé d'astres " :

Car, au-dessous du globe où vit l'homme banni,
Hommes, plus bas que vous, dans le nadir livide,
Dans cette plénitude horrible qu'on croit vide,
Le mal, qui par la chair, hélas ! vous asservit,
Dégorge une vapeur monstrueuse qui vit !
Là, sombre et s'engloutit, dans des flots de désastres,
L'hydre Univers tordant son corps écaillé d'astres ;
Là, tout flotte et s'en va dans un naufrage obscur ;
Dans ce gouffre sans bord, sans soupirail, sans mur,
De tout ce qui vécut pleut sans cesse la cendre ;
Et l'on voit tout au fond, quand l'œil ose y descendre,
Au delà de la vie, et du souffle et du bruit,
Un affreux soleil noir d'où rayonne la nuit !
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Victor Hugo, Les Contemplations, VI.26 Ce que dit la bouche d'Ombre