Pierre sort devant la porte. Comme chaque jour depuis qu’il est en âge de regarder, ces montagnes lui font battre le coeur. Le cirque immense sur lequel les premières lueurs de l’aube ont laissé des traînées roses.
Ô montagnes d’azur!ô pays adoré!
Rocs de la Frazona, cirque du Marboré,
Cascades qui tombez des neiges entraînées,
Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées.
Il entend la voix du maître, plus grave, plus belle. Il le revoit, il
y a quelques jours à peine, le livre posé devant lui. Longuement,
il avait lissé la page avant de dire:
- Ecoutez, enfants.
Lorsqu’il avait commencé à lire, les élèves
avaient fait silence tout de suite, ils aimaient les poésies et celle-là commençait
bien:
J’aime le son du cor, le soir au fond des bois.
Et lorsqu’ils avaient entendu:... cirque da Marboré... torrents
des Pyrénées… ils étaient restés bouches
ouvertes, sans voix.
Le maître aussi à la fin de la lecture s’était tu.
Il continuait à lisser la page du livre comme s’il la caressait
ou comme s’il disait merci. Pierre aussi avait envie de dire merci à ce
monsieur Alfred de Vigny qui parlait si bien de son pays. Depuis il avait appris
par coeur toute la poésie. Il y avait des vers qu’il aimait plus
que d’autres, il se les récitait le soir au lit: Âmes des
chevaliers, revenez-vous encore? Cela faisait rire Clémence mais elle
n’avait que sept ans! Anna, elle, lui disait doucement pour ne pas réveiller
les parents:
- Recommence Pierrou, là où « tous les preux étaient
morts... »
Le maître était content de lui.