Régionale de Bordeaux

L'allemand, est-ce difficile ?

L'écrivain américain Marc Twain écrivait, voilà un siècle, dans un essai humoristique : " Mes études philosophiques m'ont convaincu qu'une personne douée devrait être capable d'apprendre l'anglais en trente heures, le français en trente jours, et l'allemand en trente ans. " Qu'en est-il donc ? Apprendre une langue et une culture étrangères, ce n'est jamais sans peine, ce n'est jamais sans joie ! Apprendre une langue étrangère, c'est changer soi-même, se découvrir autant que l'autre, c'est grandir. Avez-vous oublié que vous ne grandissiez effectivement pas sans mal ?

L'allemand n'est pas une exception parmi les langues. Elle est la troisième langue étrangère la plus apprise du monde, derrière l'anglais et le français, à égalité avec l'espagnol. Dans plus de 100 pays du monde, les élèves apprennent l'allemand. La communauté germanophone dans le monde dépasse certainement les 200 millions, c'est une grande langue. C'est une langue de prestige.

Les goûts et les couleurs… L'image de l'allemand en France en tant que langue n'a jamais été excellente. Un des préjugés les plus répandus étant que l'allemand ne serait pas une belle langue. Pour preuve, on cite le " Achtung " du soldat allemand des films de guerre français. Mais comment réduire une langue à un mot hurlé par la caricature d'un caporal ?

Ce stéréotype d'une langue laide - qui existe aussi dans d'autre pays et vis-à-vis d'autres langues - n'a pas lieu d'être, car il est généralement véhiculé par des personnes qui ne connaissent pas l'autre langue. L'allemand est une belle langue par sa sonorité comme par la beauté de sa structure, si elle est maniée avec élégance, tout comme les autres langues. Ce qui est sûr, c'est que la découverte de l'allemand peut vous apporter également celle de ses richesses culturelles.

Jetons un œil sur les outils - le vocabulaire - et la mécanique - la syntaxe - de la langue de Goethe.

Si l'allemand fait partie, tout comme le français, des langues indo-européennes, le français appartient, avec l'italien, l'espagnol, le portugais, etc. au groupe des langues romanes, tandis que l'allemand fait partie des langues germaniques, avec l'anglais, le néerlandais, le suédois, entre autres.

Si vous parlez déjà l'anglais, vous aurez accès directement à une partie du vocabulaire allemand. Un petit test ? - Lisez :


  Hallo mein Freund! Komm und sieh! Das ist mein Haus, hier ist mein Garten. Oh, eine Maus. Das ist meine Katze. Sie liebt Mäuse...

Hello my friend! Come and see! This is my house, here is my garden. Oh, a mouse. This is my cat. She loves mice...


Bien entendu, l'inverse est vrai aussi : sur la base de l'allemand, l'anglais s'acquiert plus facilement.

Mais l'allemand comporte aussi de très nombreux mots à base latine, grecque et française. Voyez ceci :


  Das Problem der Demokratie ist aktuell. Legislative, Exekutive und Judikative harmonisieren, das ist ein reales historisches Faktum.


Saviez-vous seulement que l'allemand pouvait être si facilement compréhensible ?

L'orthographe ne pose d'ailleurs pas de problème, car elle est phonétique, et non historique, comme en français.

On apprend très vite à savoir comment écrire un mot même nouveau, et puisque le vocabulaire allemand fonctionne comme un lego, on a beaucoup plus de facilité à comprendre un mot nouveau qu'en français. Qu'est-ce que par exemple un parangon dans votre propre langue ? - Vous ne le savez peut-être pas. En tout cas, si vous ne le savez pas, votre seul moyen pour le comprendre est le recours au dictionnaire.

Ce lego allemand, à défaut d'être très poétique, est bien pratique : qu'est-ce que donc une Herrenarmbanduhr ? Oui, tout à fait, c'est une montre. En français, difficile à comprendre ce mot à partir du vocabulaire de base et du verbe montrer… La montre en allemand, c'est littéralement : un instrument à mesurer le temps (Uhr) lié (band) au bras (Arm) des messieurs (Herren)… Vous avez peut-être remarqué que l'ordre des mots dans un mot composé est l'inverse du français. Oui, c'est exact : le français est construit à l'envers…

Ce caractère terre à terre serait, pensent certains, à l'origine de l'importance de l'allemand pour la philosophie, car elle permet de rester proche du sujet, de le disséquer, d'en faire apparaître les rouages…

La grammaire allemande connaît une grande régularité et en conséquence beaucoup moins d'exceptions que la langue française. Il est vrai que la grammaire allemande est plus complexe que celle de l'anglais, en revanche l'anglais présente beaucoup plus de difficultés sur le plan du vocabulaire. Il est très difficile de devenir très bon en anglais, alors que les premiers pas se font aisément. C'est l'inverse de l'allemand, où l'on met un peu plus de temps pour maîtriser les outils et la mécanique de base, mais à partir d'un certain niveau, l'allemand ne présente plus de problème.

En ce qui concerne la syntaxe, il est vrai que la construction de la phrase allemande comporte notamment la différence suivante par rapport au français : un ou plusieurs membres du groupe verbal peuvent se trouver en fin d'une phrase assez longue. Il est possible que cette particularité ait une influence déterminante sur le caractère d'une discussion en allemand, l'interlocuteur étant obligé d'attendre la fin de la phrase pour pouvoir comprendre où le locuteur veut en venir, il ne peut pas interrompre le flot des mots de son partenaire aussi aisément qu'en français. Un exemple :

  Diamanten kommen hier in diesem Erdreich bei Waschungen im Flusswasser täglich vor.
Des diamants se trouvent tous les jours ici dans ces terres lors de lavages dans l'eau du fleuve.


Alors que le contraire serait :

  Diamanten kommen hier in diesem Erdreich bei Waschungen im Flusswasser nie vor.
Des diamants ne se trouvent jamais ici dans ces terres lors de lavages dans l'eau du fleuve.


En français, on pourrait interrompre l'autre à partir de ici, car l'essentiel de l'information contenue dans la phrase est dite, tandis qu'il faudra attendre jusqu'à la fin de la phrase allemande pour savoir si l'on trouve des diamants tous les jours ou jamais, ce qui n'est pas exactement la même chose…

Sur le plan culturel, il est parfois étonnant de constater des différences, d'origine historiques, entre Français et Allemands. La conséquence la plus certaine dans l'apprentissage de la langue du voisin est donc un enrichissement personnel. Vous ne courez pas de risque plus grand !

Lorsque l'on organise en France des soirées de lecture de poésies allemandes, on vit des expériences émouvantes ; des auditeurs viennent vous trouver en fin de soirée pour vous remercier, en pleurant, d'avoir pu éprouver des émotions aussi fortes, d'avoir découvert tant de beauté. Ils vous disent alors : " Mais je ne savais pas que c'était ça, l'allemand. Pourquoi nous l'a-t-on jamais fait découvrir ? " Il y a peut-être un temps pour tout. Quand viendra le vôtre ? A propos, l'accent français est si charmant pour une oreille allemande…


Depuis quelque temps, le nombre d'élèves choisissant l'allemand est en baisse, notamment en LV1, ce qui traduit peut-être un manque d'information, certainement un manque de volonté politique, et aussi un penchant compréhensible pour le moindre effort, tout relatif par ailleurs. Il est temps de réagir. La France a besoin de germanistes, et vous avez besoin de l'allemand pour réussir votre vie active.

Dans nos grandes écoles, il y a encore entre 30 et 50% de germanistes. Plus on monte dans la hiérarchie des grandes écoles, plus le taux d'élèves germanistes est élevé. Ce n'est pas un hasard. Les jeunes ingénieurs ont compris où était leur intérêt.

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