Les moteurs des mathématiques...
et de leur enseignement ?

Réciproques, Carte blanche à Pierre Damey et Pierre Terracher
Enseignants Université Bordeaux 1, Directeurs de l'IREM d'Aquitaine
n°3, mars 1997

 

Les moteurs des mathématiques, ce sont les problèmes, écrit le mathématicien Ian Stewart dans son ouvrage " Les Mathématiques " (titre anonyme s'il en est sur un tel sujet, qui ne laisse rien deviner du contenu brillant, savant, vivant et bourré d'humour), où de plus, il montre à qui veut le voir que chercher, résoudre des problèmes, c'est bien là effectivement l'activité quotidienne du mathématicien.

Et chacun d'entre nous  - enseignant - de s'interroger : " est-ce que mon enseignement suscite une telle activité auprès des élèves ? ", question d'autant plus délicate qu'elle traîne son baluchon d'incertitudes concernant par exemple le poids de l'évaluation, la compatibilité avec les horaires, la diversité des élèves,..., la notion même de problème.

Question délicate et en apparence saugrenue, car l'idée semble acquise sur le papier. Nous voulons dire que le phrasé incisif et stimulant des programmes de mathématiques - aux divers niveaux d'enseignement - : " on a voulu insister sur... le rôle formateur des activités de résolution de problèmes ", " la résolution de problèmes et l'étude de situations occupent une part importante du temps de travail... ", " les activités doivent habituer à l'art d'expérimenter et à celui de conjecturer, donc d'entraîner à chercher " ne laisse subsister aucun doute : dans nos classes, la recherche et la résolution de problèmes ne sont pas des anecdotes ; c'est le contraire qui est vrai : elles sont au coeur de l'activité mathématique, elles placent nos élèves - toutes proportions gardées bien sûr - dans la situation du chercheur en mathématiques : essayer, conjecturer, tester, prouver.

Et dans la réalité ?

Le succès affirmé de rallyes ou compétitions mathématiques laisse entendre un engouement certain de nos élèves pour la recherche de problèmes largement ouverts, quand bien même le caractère événementiel de telles manifestations, l'allure buissonnière des problèmes proposés, l'entière liberté dans l'organisation du travail et - pourquoi pas - les bénéfices annexes escomptés ne seraient pas étrangers à cet enthousiasme. Mais, comme à l'évidence (ne serait-ce que parce que d'autres chats restent à fouetter), la classe de mathématiques ne peut être quotidiennement conduite le long d'une ligne de pente de ce genre, une question mérite au moins d'être approfondie : comment intégrer dans notre enseignement de mathématiques une réelle " pratique de recherche ouverte de problèmes ouverts " ou, en le disant autrement, comment mettre en germe et enraciner l'idée que les problèmes sont les moteurs de... l'enseignement des mathématiques ?

Il n'y a pas grand risque à parier que nous tenons là une interrogation difficile à laquelle chacun d'entre nous a pu réfléchir que ce soit au diapason de sa pratique personnelle ou à celui des éléments de réponse esquissés çà et là, mais, en tout état de cause, une interrogation essentielle, en ce qui concerne l'activité mathématique que nous entendons organiser dans nos classes, nos travaux dirigés, etc.