Des TIPE vers les TPE

Réciproques, Pédagogie
n°13, décembre 2000

LES TIPE, Travaux d'Initiative Personnelle Encadrés, ont été introduits en classe préparatoire scientifique à la rentrée 1995. Hubert Correia, professeur de Mathématiques en classe de MPSI (Mathématiques, Physique et Sciences de l'Ingénieur) au lycée Michel Montaigne de Bordeaux, livre à Réciproques son témoignage sur cette activité pédagogique.

Pouvez-vous décrire cette activité ?

En MPSI, les élèves disposent de deux heures par semaine de janvier à juin. L'objectif que nous leur fixons est de rendre un rapport rédigé d'une page recto verso et de présenter oralement devant des camarades et un " jury " le résultat de leurs recherches. Ils sont autorisés à travailler par groupes de deux, s'ils le souhaitent. Au cours des six mois disponibles, on peut schématiquement distinguer quatre phases : confrontation avec des textes scientifiques, choix d'un sujet, recherche et présentation des résultats.

Qu'entendez-vous par confrontation avec des textes scientifiques ?

Mon collègue de Physique et moi-même disposons de deux heures par semaine. Dès le début, nous avons décidé d'une période de présentation et de sensibilisation aux TIPE ; la classe est divisée en deux et chaque demi-groupe se retrouve une heure avec chaque enseignant. L'objectif est de les confronter à l'analyse de documents scientifiques. Je leur donne donc des textes à lire, traitant plutôt de mathématiques, puis nous les détaillons ensemble. Cette période dure environ un mois.

Comment s'effectue le choix du sujet ?

Au départ, les élèves choisissaient une matière et n'avaient alors de contacts qu'avec le professeur de cette matière. Notre position a évolué et nous sommes passés de salles séparées à un lieu commun, en l'occurrence le CDI. La première année, il m'avait paru plus pertinent de proposer des sujets déjà bien précis à l'intérieur du thème fixé. Maintenant, je laisse beaucoup plus de liberté sur le choix du sujet et cela permet visiblement une plus grande motivation des élèves. Certains ont déjà une idée très précise ; par exemple, l'an dernier, l'un d'entre eux m'a dit tout de suite qu'il voulait s'intéresser aux systèmes de neurones. Pour d'autres, par contre, je propose des petits articles à lire traitant d'un sujet susceptible de les intéresser. L'an dernier, certains voulaient étudier les géométries non riemanniennes, mais devant la difficulté, ils ont finalement opté pour la constante d'Euler.

Comment se déroule la phase de recherche ?

C'est le cœur du travail. Au début, je rencontrais chaque semaine les élèves qui avaient choisi un TIPE à dominante mathématique. Maintenant, nous rencontrons tous les quinze jours ceux qui traitent d'un sujet nous concernant, tout en leur laissant la possibilité de consulter ponctuellement l'autre professeur. Une écoute de chaque groupe est utile et permet le recentrage du sujet ; cela leur évite de se lancer dans des voies qui risquent de se révéler improductives. Chaque semaine, environ une moitié de la classe est donc présente et peut consulter les ouvrages du CDI ou se " brancher " sur Internet. La semaine oł ils ne nous rencontrent pas, les élèves peuvent consulter des ouvrages dans d'autres bibliothèques, travailler chez eux ou au lycée.

L'évaluation se fait à travers une présentation orale…

Cette phase a lieu de mi-mai à fin juin. Lorsque les matières étaient séparées, mon collègue écoutait et jugeait les TIPE à dominante Physique pendant que je m'occupais de ceux traitant plutôt de Mathématiques. Chaque semaine, les autres élèves pouvaient assister indifféremment aux exposés de l'une des matières. Maintenant, nous assistons ensemble à tous les exposés. Chaque semaine, quatre groupes présentent leurs travaux. Nous accordons à chaque groupe dix minutes pour l'exposé ; la fiche recto verso est distribuée à tous ceux qui sont présents. Dans un deuxième temps d'environ vingt à trente minutes, tout le monde peut poser des questions. Ce moment est fort instructif puisque qu'il révèle inévitablement le degré de maîtrise du sujet étudié. Les autres élèves en tirent aussi un grand profit, car ils constatent les difficultés, mais aussi les capacités à répondre de leurs camarades. Après chaque exposé nous évaluons le TIPE présenté, et en fin de séance nous nous concertons, éventuellement avec quelques autres personnes, afin d'attribuer une note au TIPE. Nous utilisons la grille d'évaluation suivante et dans la majorité des cas, l'appréciation des différentes personnes présentes est assez voisine.

Contenu scientifique / 5
Apports personnels / 3
Maîtrise du sujet / 4
Fond (total) / 12
Prestation orale / 3
Lisibilité du rapport / 2
Clarté de l'exposé / 3
Forme (total) / 8

Après cinq années, on peut dresser un premier bilan…

Ma position à l'égard des TIPE a évolué. Je suis maintenant partisan de laisser un maximum d'autonomie aux élèves, notamment sur le choix du sujet. Cette activité a le mérite de révéler des qualités parfois méconnues chez certains élèves. J'ai pu constater qu'il n'y avait pas forcément de corrélation entre les notes traditionnelles et la prestation en TIPE.

Bons TPE à tous...