FICHE 1 : QU'EST CE QUE LA FAMILLE ?
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LES 3 DEFINITIONS
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  1. La famille c'est d'abord le noyau familial : c'est "un groupe caractérisé par la résidence commune et la coopération d'adultes des deux sexes et des enfants qu'ils ont engendrés ou adoptés" Murdock (1949).
  2. Pour les statisticiens, c'est un groupe constitué par au moins 2 personnes apparentées (par la filiation, l'alliance ou la germanité) sans être forcément sous le même toit (définition large : on parle de parentèle).
  3. Il ne faut pas confondre avec la notion de ménage de l'INSEE (occupants d'une résidence principale, parents ou non : " même pot, même feu "). On parle de groupe domestique.
  4. Récapitulation :
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Parenté
Corésidence
Famille étroite (ou noyau familiale)
X
X
Famille large (ou parentèle)
X
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Ménage (ou groupe domestique)
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X
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5. L'approche anthropologique. Les anthropologues dépassent ces visions "objectives". La famille est en effet, une institution présente dans toutes les sociétés, mais ses formes et ses fonctions (et donc sa définition) sont largement différentes : on étudie ici un phénomène culturel. Il faut éviter de tomber dans le piège de l'ethnocentrisme (= juger avec nos valeurs, conceptions du bien et du mal, des comportements atypiques).

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LA DIVERSITE DES FORMES
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La diversité des conceptions de la Parenté (I), et des formes de Corésidence (II), nous permet de distinguer plusieurs formes de familles.

1. Les différentes conceptions de la parenté

La parenté est l'ensemble des liens d'alliance et de filiation organisé dans une société (la germanité, relation frères / sœurs n'est pas traitée)...
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1.

Les union d'adultes ( ou règles d'alliances) sont très diverses dans l'espace et le temps :

  • Le nombre de conjoint est variable :
    • Polygamie (plus de deux conjoints comprenant la Polygynie, Polyandrie, Polyandrie fraternelle ou adelphique, Polygynie sororale)
    • Monogamie : on distingue le conjoint de droit (officialisation publique) et le conjoint de fait (simple vie commune)
  • L'état du conjoint : Le mariage légal entre femmes ou avec des morts est par exemple, autorisé chez les Nuer Soudanais
  • La stabilité de l'alliance : Il n'y a pas forcément d'union conjugale stable partout (succession de séparation - reprise, chez les Indiens Nayar)
  • Le choix du conjoint n'est pas toujours libre :
    • Il y a des obligations de lignage (par exemple le Lévirat : la femme veuve doit se marier avec le frère du défunt dans le but d'assurer la lignée)
    • Il y a des règles qui définissent les catégories de parents avec lesquels l'alliance est autorisée ou interdite.
      • Des règles exogames (alliance forcée en dehors du groupe, par exemple l'interdiction de l'inceste)
      • Des règles endogames (par exemple, maintien obligé dans le groupe social). Ces dernières sont à l'origine de la création des ordres ou castes sociales, ou des phénomènes d'homogamie sociale
    • Ces obligations sont parfois explicites (action directe des parents et mariages arrangés) parfois implicites (influence parentale sur la formation du goût, lieux de rencontres qui ne sont pas distribué aléatoirement selon les classes sociales)
  • Le style d'alliance : Le mariage d'amour, est une conduite qui émerge tardivement (au Moyen âge, le mariage d'intérêts chez les classes dominantes était le plus répandu).
2.

Les règles de filiation (ou règles de transmission de la parenté) sont très diverses dans le temps et l'espace :

  • Le type de transmission de la parenté prend quatre formes :
    • Filiation unilinéaire (patrilinéaire ou agnatique / matrilinéaire ou utérine, comme dans les sociétés africaines). L'un des parents transmet exclusivement la parenté au fils ou fille (il s'agit d'un symbole, mais qui peut se traduire concrètement : transmission des biens).
    • Filiation bilinéaire : les éléments acquis des deux parents sont différenciés.
    • Filiation indifférenciée (ou cognatique, comme en France) : les deux parents transmettent indifféremment.
    • Filiation par lignage : reconnaissance d'un ancêtre commun
  • Les titulaires de l'autorité parentale sont variables :
    • Le père biologique peut se voir supplanter par un père social (souvent l'oncle).
    • La mère biologique peut se voir remplacer dans certaines fonctions. Par exemple, chez les Mossi de Haute Volta, l'éducation de l'enfant est assurée par d'autres femmes
  • La place et le rôle de l'enfant ou du " jeune " est variable :
    • Sous l'Ancien régime, en France, l'enfant (surtout populaire) est un "petit adulte" (la priorité est quantitative : faire beaucoup d'enfants). Aujourd'hui, dans certains pays en voie de développement, l'enfant est d'abord une ressource économique pour les familles (d'où responsabilisation très rapide de celui ci).
    • L'enfant ne devient l'objet d'une attention particulière qu'au 18ème siècle d'après Philippe Ariès, avec les premières fréquentations scolaires (soins, éducation, approche qualitative). La famille moderne s'affirme alors comme une entité distincte, la catégorie enfant (irresponsable et objet d'attention) apparaît.
    • Aujourd'hui, en France, on constate un allongement de la période de "jeunesse sociale"

2. Les formes de la corésidence

1.

On peut distinguer les familles, en comptant le nombre de générations présentes sous le même toit.

  • Famille étendue : ascendants, descendants, collatéraux
  • Famille restreinte ou conjugale : parents et enfants non mariés.
2.

F. Le Play (19ème s.) distingue trois modèles de groupe domestique, qui se seraient succédés dans le temps.

  • La famille étendue (ou élargie, communautaire, indivise) qui regroupe dans un même lieu plusieurs générations. C'est un groupe nombreux, souvent dominé par un patriarche.
  • La famille souche regroupe aussi plusieurs générations, mais avec un seul couple par génération. Pour éviter la dispersion du patrimoine familial, un seul héritier reste (l'aîné), les autres enfants devant partir (ou parfois se constituer en domestiques).
  • La famille nucléaire (ou conjugale), la plus répandue aujourd'hui, réunit les parents et les enfants non mariés. Les enfants quittant le foyer au moment d'une union.
3.

Selon T. Parsons, ce mouvement est la conséquence de la société industrielle :

  • La recherche d'un emploi industriel, dans les usines, en ville, loin du foyer familial d'origine, impose la "résidence néolocale"
  • Les domiciles séparés facilitent la rupture avec la parentèle. En même temps, cela autorise une certaine liberté dans le choix du conjoint.
  • Dans cette nouvelle forme de famille, se met en place une différenciation naturelle des rôles selon le sexe (division du travail). L'homme assure des fonctions "instrumentales" (recherche des ressources à l'extérieur), la femme développe une fonction expressive (affection, éducation des enfants, tâches domestiques intérieures)
4. La théorie de F. Le Play est cependant très critiquable, dans la mesure ou des historiens (Laslett ou A. Burguière) ont montré que la forme conjugale existait déjà au Moyen Age. Il n'y pas évolution, mais coexistence des diverses formes.
5.

L'interprétation de T. Parsons est aussi démentie par les faits :

  • Les liens avec la parentèle ne sont pas coupés (soutien, cadeaux, proximité géographique, transferts de patrimoine culturel, économique, social, etc.) dans la famille moderne (fonction de solidarité réactivée).
  • La représentation des rôles domestiques évolue : 40% des femmes pensait qu'il ne faut pas travailler quand on a des enfants jeunes en 79, contre seulement 29% en 82 ! Il est vrai que la modification des rôles en pratique, est plus lente.