RETOUR SOMMAIRE Le débat interprétatif
Préambule
Les programmes 2002 ont ouvert la classe à de nombreuses pratiques de débats : débat d’idées, débat philosophique, débat scientifique …Notre intention est de proposer un outil de réflexion centré sur le débat interprétatif, pratique réservée à la lecture littéraire en classe.
Le débat interprétatif est une pratique de lecture indiquée dans les IO. Etroitement lié à la littérature de jeunesse dans les programmes, il fait l’objet de nombreuses publications. Notre propos est de présenter une réflexion sur le débat littéraire en classe autour de 4 axes majeurs :
1 la pratique du débat littéraire
2 le débat interprétatif et les compétences à l’œuvre
3 une co-construction du sens
4 les traces écrites
1- la pratique du débat littéraire
Ø le statut du texte
Un texte littéraire est à la fois un texte qui peut être réticent (lacunaire, qui appelle à combler ses manques) ou proliférant (il donne un excès d'informations dans lesquelles le lecteur doit opérer un tri,: récits enchâssés, abondance de descriptions et de détails).
Cf Tauveron, Catherine. Lire la littérature à l'école. Hatier pédagogie, 2002. p. 36/37.
Ø la posture du lecteur
Ce qui caractérise le statut du texte littéraire c'est sa réception.
Envisager le texte dans sa réception c’est s’intéresser à la posture du lecteur. Le débat interprétatif place le lecteur dans une démarche active. Il est un interlocuteur dans une interaction texte-auteur-lecteur (article de Françoise Grégoire sur le site bienlire).
Cette posture active, créative doit conduire le lecteur à construire du sens et à s’interroger sur la nature même de l’acte de lecture. Cette approche du lecteur questionne la posture traditionnelle qui place l’élève dans la position de celui qui cherche la (seule) réponse attendue (par le maître !).
2- le débat interprétatif et les compétences à l’œuvre
Ø Apprentissage du doute
Le débat interprétatif devrait permettre aux élèves de mettre en doute leur compréhension et la validité de leurs interprétations. Toute proposition est soumise aux réactions du groupe et à la relecture du texte, passage obligé de toute validation.
Ø Entrer dans l’argumentation
Ce va et vient constitue l’initiation à l’argumentation à mettre en place à l’école. L’élève explique, justifie, s’appuie sur le texte, le cite, s’appuie sur la réponse d’un camarade, sur une proposition du maître.
Ø La mise en oeuvre d’un faisceau de compétences complémentaires
Cette posture met en œuvre un faisceau de compétences complémentaires :
mettre en relation des éléments du para texte, du texte et du hors texte
mettre en jeu sa culture personnelle, littéraire…
être capable de reformuler
être capable de justifier, d’expliquer
être capable de questionner
Ø Des pratiques du Questionnaire de Lecture Suivie
Dans ce contexte, la pratique du QLS qui vise à questionner l’enfant sur le texte devrait être ré envisagée comme permettant à l’enfant de questionner le texte.
Les questions : Que nous dit le texte ?, Qu’est-ce qu’on ne comprend pas ?, Pourquoi tel personnage fait telle action ?…
Le questionnaire de lecture renvoie à un temps limité de lecture silencieuse où l’élève est seul face au texte. Mais les questions doivent être préparatoires à l’échange, à la construction collective du sens.
Le QLS devient un outil au service du débat interprétatif.
3- une co-construction du sens
Le texte littéraire appelle à la participation du lecteur « il est une négociation publique du sens » selon J. Bruner qui s’inscrit dans toutes les théories de la réception depuis les années 80 (construction de l’horizon d’attente du lecteur de Hans Robert Jauss ; coopération interprétative d’Umberto Eco ; la lecture comme aire de jeu de Michel Picard).
Le texte n’est jamais univoque, il a vocation à être interprété. Le sens se construit par la pluralité des lectures (interactions et échanges).
Ø Echanger (construction du sens à plusieurs)
Le débat est d’abord une aire de réactions, d’émotions qui s’échangent. L’écoute est fondamentale à ce stade car elle va permettre de rebondir sur ce que dit l’autre pour poser des questions, pour dégager une problématique, c’est-à-dire tout ce qui résiste ou tout ce qui pose question, tout ce qui est imprécis.
Différentes pratiques de lecture sont au cœur de ce débat (relecture du texte, lecture silencieuse, lecture à haute voix, lecture du maître, lecture des élèves…).
Ø Rôle du maître :
§ un lecteur dans la communauté des lecteurs
Le maître a mené au préalable une lecture experte, il a donc lui aussi des interprétations à proposer. Il participe au débat au même titre que les autres lecteurs de la classe. Cependant, le maître est très souvent un faux naïf, il guide le débat, il questionne les élèves, il ramène au texte…
§ le garant du texte
Le maître doit être le référent du texte. C’est par le maître que se construit une culture des textes, c’est lui qui propose d’autres textes et ouvre des espaces (réseaux). C’est lui aussi surtout, qui fait les liens entre les textes et entre les lectures pour que les enfants puissent les faire à leur tour.
4- les traces écrites
Propositions de traces écrites pendant la lecture, le débat interprétatif, d’une œuvre intégrale au cycle 3 |
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Type d’écrit. |
Nature de l’écrit. |
Objectifs. |
Écrits personnels. (écrits de réaction aux textes) |
- noter ses réactions, ses impressions après la lecture d’un texte. - noter des hypothèses de lecture à partir du titre, de la couverture etc.(Construire un horizon d’attente du lecteur.) - noter ses souvenirs de lecture. - noter une phrase, un passage qui a marqué, qui a plu ou déplu… |
- favoriser les réactions personnelles des élèves. (Ce point de départ de la lecture, dont il garde trace, permettra à l’élève à la fin de la lecture, de mesurer son parcours tant sur le plan de la compréhension que de l’interprétation.) - s’approprier l’histoire, le texte. -développer un rapport « intime » au texte : émettre des appréciations et des jugements affectifs et/ou esthétiques … - opérer un retour sur une lecture, sur le/les souvenirs que l’on en conserve et échanger avec ses camarades. |
Écrits pour « réfléchir » (écrits réflexifs sur les textes) |
- répondre à une question ou à Questionnaire de Lecture Silencieuse préparatoire ou qui clôture un débat interprétatif. - formuler une interprétation. -reformuler une interprétation ou celle d’un camarade lors d’un débat pour la rendre plus claire, plus précise etc. - découvrir le lien entre des textes lus en réseau.
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- valider la compréhension. - s’accorder le temps de la réflexion. - explorer des pistes de réflexion et d’interprétation. - aider l’élève à cheminer dans l’interprétation du texte. - découvrir que la lecture d’un texte est plurielle, qu’elle accepte plusieurs interprétations.
NB : Les écrits pour réfléchir sont des « pauses » dans la pratique orale du débat interprétatif. Ils sont tous l’occasion d’un retour sur le texte.
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Écrits de travail (Écrits collectifs, traces de la classe.) |
- compléter un tableau qui permet d’étudier les personnages, les actions, les lieux. - revenir sur une hypothèse. - récapituler la lecture d’une ou plusieurs séances et en établir la synthèse. - faire le point sur la lecture en cours : où en sommes-nous ? Quelle(s) question(s) restent encore en suspens ? -résumer des passages de la lecture. - dégager les points communs d’un réseau de textes. |
- élaborer une trace collective de la lecture. - construire des documents communs à la classe, traces du parcours collectif de lecture et qui font référence. |
Écrits à partir de la littérature. (écrits d’intervention sur les textes.) |
- imaginer une suite/une fin au texte. - écrire à la manière de… -opérer un changement de point de vue. - ajouter un personnage. -ajouter un dialogue, une description… -transposer un texte : du narratif à la BD, au théâtre… |
- s’approprier des éléments essentiels du texte lu et des procédés d’écriture pour en construire la suite. - acquérir un style. -« jouer » avec le texte littéraire. |
Eco, Umberto. Lector in fabula. LGF, 1989.
Jauss, Hans Robert. Pour une esthétique de la réception. Gallimard, 1990.
Bruner, Jérôme. Pourquoi nous aimons nous raconter des histoires. Pocket, 2005.
Tauveron, Catherine. Lire la littérature à l’école : Pourquoi et comment conduire cet apprentissage spécifique? De la GS au CM. Hatier, 2002.
Picard, Michel. La lecture comme aire de jeu. Editions de minuit, 1986.