Lire l’image de l’album LI-NA et l’empereur

 

"LINA", un livre au déroulement et à l'iconographie résistants réticents[1], qui ne livre donc pas tout d'emblée, et qui convoque ainsi habilement l'activité créatrice graphique et conceptuelle des élèves tout comme leur approche culturelle d'une autre civilisation … "Li-Na", une approche de l'écriture- dessin, représentation graphique de la pensée.

 

Un univers référentiel : l’Asie

-         noirceur du trait, épais, irrégulier, qui cerne tout et qui évoque l’encre du peintre mais aussi de l'écriture asiatique

Réaliser un réseau culturel relatif à l’écriture, à l’encre

Proposer aux élèves de produire à l’encre, au pinceau tel que sur la première de couverture / prolonger cette piste technique en comparant les effets engendrés, les plaisirs différents selon l’outil utilisé: crayons, craies, pinceaux, bois…

-         la seconde de couverture contient des couleurs pastel alors que le reste des illustrations sont réalisées majoritairement avec des couleurs saturées (cf. Van Gogh) closes par le contour noir

Possibilité de faire réfléchir les élèves sur l’effet rendu par le retrait de ces contours : et si on enlevait les contours noirs, quels effets cela produirait-il (en +, en -) ?

-         globalement les illustrations rappellent les dessins animés japonais (cf. Manga) – pas de ride sur les visages, contours nets, peu de nuances sur les visages colorés

Activités possibles avec les élèves : couper, coller du papier uni de différentes couleurs pour réaliser une production.

 

Le personnage de Li-Na.

-         La première de couverture donne d’emblée le thème de l’album : le calligramme, l’encre (qui cerne tous les personnages)

Analyser cette page avec les élèves : « pourquoi le personnage féminin a-t-il un pinceau ? Que fait-elle ?"

 

   D'un répertoire de signes…au sens.

-         La seconde et troisième de couverture ne contiennent que des signes; cf. domaine en arts visuels de "signes et sens"

Avec les élèves tenter de donner du sens à ces signes, se demander quelle est leur signification ? (on se trouve ici encore dans l’énigme instaurée par la première de couverture)

 

-         La page de titre contient des signes que nous pouvons identifier (typographie de traitement de texte, mots du tampon encreur de la bibliothèque…) et d’autres non (traces du pinceau -d’ailleurs moins nettes-, tampon rouge idéogramme de Lina)

Avec les élèves décrire tous les signes présents sur cette page, identifier leur nature et origine culturelle, questionner sur le rapport entre la couleur du tampon idéogramme de Lina et la couleur des vêtements du personnage –rouge également- / égalité ?

Faire définir ce qu’est l’écriture, le dessin, l’idéogramme et différencier les pictogrammes de notre culture (couleurs –rouge par exemple-, codages et formes signifiants cf. code de la route par exemple) des idéogrammes (représentant le concept en jeu et non l’objet lui-même) et de la signature produite par un  tampon. Certainement à mettre ailleurs car les élèves n’ont pas encore lu que le personnage doit réaliser un idéogramme.

 

-         Page 3 : Lina peint par terre tout comme procédait l’artiste POLLOCK[2], avec une grande gestuelle ; la structure de cette illustration fait que l’œil est attiré vers le bas de page à droite – vers Lina, les pinceaux- = avec les élèves faire des hypothèses sur la représentation de Lina (la vieille femme ? la jeune fille ?…), les tampons présents sur les productions étendues (matériaux: pour qu’elles sèchent, tissu ? papier ?), ce que le personnage dessine (peut-être est-ce ce qui est étendu par terre ?) ; faire remarquer la sensation de tranquillité qui émane de cette page, en identifier les raisons (les personnages sourient…)

 

   Un art du cadrage, de la mise en plans, de la perspective

-         Pages suivantes :
*
souvent des gros plans de personnages, des sorties de page des personnages, en tout cas des premiers plans avec des personnages ou objets qui sortent de l’image et qui incitent le lecteur à se représenter le hors champ -l’imaginaire est beaucoup sollicité (cf. la BD)-  et des seconds ou arrières plans lointains

Faire imaginer puis produire les hors champs aux élèves en photocopiant (en réduction) la page d’illustration et en la donnant comme point de départ de la production


*
les ombres propres (sur l’objet lui-même) ou portées (sur l’environnement de l’objet) existent peu ou sont peu marquées -ce qui fait penser aux silhouettes du théâtre japonais- mais la perspective est bien rendue par "l'invisible présence" du  hors-champ, les différents plans de chaque page et l’horizon bombé (p. 6-7, 8-9)

 

Un codage du mouvement, un cadrage au service des émotions

* l'illustration page 9 permet d’aborder avec les élèves la manière de donner l’impression de mouvement –cf. BD-

Faire constater aux élèves que le personnage court vers nous et sort du cadre, les objets sautent en l’air, les vêtements se tordent, (l’horizon est courbe)

* le cadrage de cette image est conçu pour que le lecteur ait peur en se centrant sur un détail :  le regard est attiré par la gauche et la droite de la page et passe donc par le centre où se trouvent les soldats

Analyser l’illustration en ce sens : quelles impressions ressentez-vous ? pourquoi ?…

 

Une invitation à réinventer le répertoire formel et la palette coloriste, le symbolisme
   *
travail possible sur les vêtements, leurs graphismes, motifs répétitifs

Proposer aux élèves de décalquer les silhouettes des personnages et recomposer leur contenu avec d’autres motifs (papiers peints récupérés)

* les couleurs ne sont pas modulées et n’appartiennent pas à un seul personnage :  l’illustrateur a épuré les formes, les couleurs pour en avoir un répertoire dont les  

 diverses associations sont créatives -cf. associations des idéogrammes entre

eux  pour faire un sens nouveau- cependant on peut retrouver comme constantes : Lina = les fleurs ; la petite fille = les ronds ; l’empereur = les carrés ; les soldats = des carrés. Y a-t-il des symboliques formelles ? vers la fin du livre on se rapproche des idéogrammes

Réfléchir avec les élèves au sujet de : Derrière la forme quel sens existe-t-il ? Pourquoi l’empereur et les soldats sont-ils associés aux carrés ? rigidité ? -laisser ici la liberté d’interprétation aux élèves- Pourquoi les fleurs sont-elles associées à Lina (on en trouve également sur son lit, elle a des fleurs partout chez elle)? la paix ?

Faire appel aux expressions comportant des formes géométriques (« avoir l’esprit carré », « la fleur au fusil »…) pour en retirer le symbolisme.

 

D'une signature conventionnelle, aux sceaux (signatures tampons anciens ou d'autres cultures) et aux signatures contemporaines (les tags et graffiti)

* Le tampon des pages est vert (l’auteur raconte), celui de Lina est rouge (elle raconte), ils sont d’accords, complices (l’auteur a pris le parti de Lina) : le tampon veut dire Lina

Avec les élèves, comparer ce procédé à celui de l’artiste C. VIALLAT (exposition à Biarritz et valise de reproductions d’œuvres d’art du CDDP 64).

Proposer de créer leur propre tampon dans de la gomme, de la patate  gravée (cf. histoire de l’art sur le tampon, magazine[3] DADA n° 27 de mars 1996 « l’art du tampon » / cf. artiste locale (ayant exposé au musée de Guéthary) Anne MERLET, qui signe toutes ses productions avec des perruches découpées sur les boîtes de sucre, collées et plus ou moins facilement identifiables)

Produire leur propre signature dessinée (tag) [ajouter réf IUFM / signature : musée des beaux arts de Pau –Mr Béhotéguy-]

Prolongement possible autour du « SENS-SIGNE » : les graffs en passant par les hiéroglyphes  (cf. magazine3 DADA n° 53 janvier, février 1999)

 

Des sens révélés (la personnalité de l'empereur)… à un répertoire de signes, retrouvés dans les langues asiatiques ou inventés graphiquement par les élèves:
   
Proposer aux élèves de créer l’idéogramme que Lina invente (et que le livre ne nous 

    montre pas…) en recherchant des idéogrammes « de base » dans des dictionnaires,

    encyclopédies… en choisissant ceux qui correspondraient le mieux à l’empereur et

    pour ce faire relire et surligner tout ce qui parle de ce personnage dans le texte de

    l’album (écrire un "mur de mots" de tous les qualificatifs qui le désignent)

    Imaginer des signes (idéogrammes) possibles pour telle ou telle personnalité du livre,

    pour la sienne, pour celle d'autres élèves…

 


 

[1] Selon la terminologie de C. TAUVERON

[2] Des productions de cet artiste sont présentes au CDDP 64 dans les mallettes arts visuels.

[3] Ouvrage disponible au CDDP 64.