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A Corneille seul revient le mérite

Si « le signe de la tragédie véritable est de ne pas porter de date », alors Horace, mis en scène par Nadia Ayadi est une réussite pour le caractère intemporel. Cette metteure en scène a su trouver dans les alexandrins de Corneille un écho actuel. Le Mur des Lamentations pour seul décor affiche clairement la volonté d’actualisation. Elle rapporte le conflit entre Rome et Albe au conflit israélo-palestinien. Les hommes en tenue militaire revendiquant l’honneur et la gloire font résonner des vers où l’on peut retrouver des discours islamistes. A ces hommes avides de pouvoir s’opposent les femmes. Sur scène, l’absence de mouvement les enferme plus encore dans la solitude face au mutisme guerrier de leurs frères et maris. Le manque d’influence de ces femmes sur la guerre et sur leur propre destinée rappelle la condition des femmes au Moyen-Orient. Une fois le décor posé, les ponts entre le siècle de Corneille et le nôtre sont nombreux. Mais si la règle des trois unités est toujours présente, Nadia Ayadi a choisi de tuer Camille, qu’elle incarne, sur scène face au public. Ce cadavre, qui restera sur scène un certain temps, n’a pour seule utilité que de rompre la monotonie de la pièce. Car si le texte est parfaitement récité, il est peu souvent joué. Le statisme des acteurs, le non-jeu de certains, incitent le spectateur à fermer les yeux pour mieux savourer les merveilleux vers de Corneille.

Mathilde ( 1ère L )

Polarité et contraste

Voir « Inhumain … trop humain » sur scène, c'est surprenant : Plusieurs panneaux aux propriétés optiques intéressantes. Tantôt transparents, tantôt translucides, tantôt opaques. Disposés sur des chariots et qui servent de frontière, de symbole d'enfermement. Sur scène, un homme récite la parole récoltée, il est habillé en noir. Habillée en blanc, il y a Isabel, maquillée avec une teinte grise inhumaine. Et puis il y a le musicien/danseur, lui aussi en noir. Dans chaque récit de vie d'abord vient la parole récoltée, d'un acteur, puis vient la réécriture d'Elie récitée par Isabel. Les textes sont dits sobrement, clairement de façon presque monotone, comme ça, le spectateur en retient l'émotion qu'il souhaite. Les acteurs apparaissent calmes, sans émotions, ce n'est pas le jeu des acteurs qui impressionne, ce sont les textes qui doivent émouvoir. Ce titre ''Inhumain … trop humain'' est chargé de sens. Chacun est inhumain, c'est ce qui le rend humain. Dans ''La ligne'', le concept d'une guerre parce que l'on est né de l'autre côté d'une ligne paraît inhumain, et pourtant, on ne peut pas dire que cela n'est jamais arrivé. Au final c'est un spectacle brillant, chargé d'émotions. 

Joseph ( 1ère S3 )

On nous raconte nous.

Au sol, des ampoules s’allument lentement. Elles délimitent un lieu, un grand carré, une scène. Les ampoules s’allument et des vies vont alors s‘éclairer une à une, par morceaux, entre les vitres. Ce sont les murs de nos vies que la compagnie Artizans s’amuse à tirer à bouts de bras sous nos yeux…

Les murs bougent. Ils changent, ils roulent sur le sol comme ces grandes plaques de plexiglas tirées par les acteurs. On délimite un espace. On y glisse la lumière, le corps, la voix puis on nous raconte. On nous raconte nos parents, nos frères, nos sœurs, nos grands- parents, nos voisins. On nous raconte nous. Ce sont nos mots, nos phrases, celles que l’on croise sur les trottoirs. Je les reconnais. Ce sont nos visages là, qui se reflètent dans la vitre, puis soudain c’est celui de l’acteur. C’est moi. C’est elle. C’est lui. C’est l’humain.

Elie Briceno nous met en scène, l’humanité, grâce à deux comédiens : un homme et une femme, un visage sérieux et un visage peint de toutes les couleurs, des vêtements noirs et des vêtements blancs. Ils deviennent alors tour à tour Alexia, Emilienne, Yves, Sabine… La diction est simple, chaque mot est posé. Chaque mot est entendu.

Une guitare électrique se fait entendre entre les mots. Elle murmure, crie, chuchote.

On raconte. On parle sans interruption.

On s’écoute.

On s’observe « passer à travers les gouttes de pluie »

Léa ( 1ère L )

Sur scène malgré nous

Derrière ces grands panneaux, le jeu des acteurs du spectacle « Inhumain… trop humain » fut difficile à capter. Le contraste entre le texte brut et la réécriture fut facile à déchiffrer : deux sexes opposés, deux couleurs opposées, le noir et le blanc et des tons faisant apparaitre les « rôles ». Mais un deuxième contraste vient s’inviter à cette représentation, un contraste où le public est impliqué, où celui-ci, constitué d’humains, se retrouve projeté, comme planté sur scène. Privé de voix, d’âme, car ce ne sont que des reflets auxquels les acteurs s’adressent directement. LE spectateur est mis au cœur de cette pièce. Cela reflète le titre de cette œuvre. On a donc un jeu de reflets dans ce spectacle qui vous enveloppe.

Ces grands panneaux servent également de décor, comme dans le texte « La ligne », où ils sont simplement placés, en ligne. Permettant une variété de décor et associé à un musicien-danseur, le résultat est assez impressionnant. Une boîte, avec un homme évoluant dedans, au premier abord au dirait que cet homme tente de se relever pour combattre la maladie, mais cela ressemble également à un fœtus qui se développe symbolisant la naissance ou la renaissance de cette personne.

Rémi ( 1ère S3 )

« Dans l’espace du presque, au cœur de l’aire du je »

On est ici loin du classique cornélien. La parole est à d’autres nous-mêmes, des hommes, des femmes, et des êtres entre deux âges, entre après et pas encore. Elie Briceno reprend leurs récits autobiographiques en miroir, les remodèle, leur offre la poésie de s’envoler.

Mais à la représentation il paraît que rien ne va ! Les lumières, les interludes musicaux et la projection des images se cassent la figure, les acteurs présentent, nous dit-on, un jeu tendu, plein d’appréhension. La troupe redoute le couperet du public… et n’obtient que vivats et commentaires enthousiastes.

Portés par des voix innocentes, naïves, ou bien encore trop mûres, toujours dans cet excès qui fait mouche, les doubles récits de la vieille dame habillée de son siècle aux romanichels révoltés vont au cœur du public. A partir de tubes de PVC, les Artizans ébauchent des flûtes. A partir de panneaux de plexiglas, ils inventent des miroirs, des écrans, des cages ou des barrières ; tandis que l’autre barrière, entre le spectateur et l’espace de jeu, tombe tout à fait. Dans les mots comme dans ces panneaux de plexiglas, c’est soi-même qu’on voit, soi-même qu’on entend.

Avec Elie, on sait un peu plus pourquoi on nage.

Camille ( 1ère L )

L’aire du pique-nique tragique

J'ai beaucoup aimé la mise en scène très particulière de cette pièce de Gilles Cailleau, de la compagnie Attention Fragile, intitulée Gilles et Bérénice. Nous sommes bien loin de l'original, la tragédie classique de Racine qui a inspiré cette représentation.

La relation entre l'acteur et les spectateurs est très importante dans cette pièce, l'échange est le maître-mot. En effet, dès le début, le public entre dans une certaine intimité en pénétrant dans le chapiteau et en s'installant sur la pelouse, tout comme le comédien, ce qui crée une ambiance de pique-nique, chaleureuse où le public se sent proche du personnage. Gilles met le spectateur dans la confidence en racontant certaines de ses anecdotes, ce qui donne un aspect autobiographique à la scène. Le fait de mettre les décors devant le public, comme pendant la scène du jeté de coquelicots, ou encore quand Gilles amène la tente et le morceau de colonne crée également davantage de liens. Toute cette mise en scène permet d'effacer la différence entre public et comédien. Au-delà de la relation qui s’est installée entre lui et nous, il s'agit d'une pièce très originale. Il y a beaucoup de jeux de lumière et de musiques. Le concept «un comédien pour trois personnages » aurait pu perturber le spectateur mais pourtant la pièce reste simple. Beaucoup d'éléments permettent au spectateur de se repérer et ont également une forte signification. Comme la tente au début, qui nous amène directement au cœur de l'histoire, et nous indique que l'intimité est très restreinte pour les personnages, qu'ils se trouvent dans une relation très fusionnelle. Le château de sable, lui, nous situe dans le récit de l'assaut, mais aussi nous prouve que les adultes ont une âme d'enfant, que rien n'est réellement solide. La piste de danse nous amène vers la fin du spectacle, on y trouve la libération de Bérénice, son désespoir. C'est un spectacle très riche en émotions, Gilles parvient à nous faire rire pendant des scènes tristes et à nous surprendre tout au long de sa prestation. Le spectateur oublie presque qu'il s'agit du récit d'une tragédie. Entre les acrobaties de Gilles sur la corde et l'apparition du lapin, il peut parfois même se demander s’il est au cirque ou réellement au théâtre.

M. Cailleau avec cette pièce n'a absolument pas détruit Racine, il y a simplement introduit son monde à lui et parvient ainsi à conquérir le public actuel en livrant l’émotion tragique toujours présente chez les humains.

Manon L. ( 1ère C2 )

Une boîte à souvenirs

« Rire, c’est bon pour la santé ». Dans cette adaptation de la tragédie Bérénice, de RACINE, c’est Gilles Cailleau qui fut notre thérapie. Celui-ci proposa une tragédie classique, revisitée personnellement et offrant un aspect autobiographique, dans un lieu peu commun pour une pièce de théâtre : un chapiteau. Un décor original, comprenant tribunes en gazon de part et d’autre d’une étroite scène, avantageant la proximité avec le public. Celle-ci, ajoutée à une « ambiance pique-nique » crée une véritable complicité entre tous. Gilles Cailleau, passionné par cette histoire dans laquelle il rencontre un personnage miroir, Antiochus, nous fait part de l’aspect tragique que prend sa vie depuis l’enfance, tout en utilisant l'autodérision. Pour cela, il crée une époque méconnue jusque-là, l’intersection entre les XVIIème et XXIème siècles. Cet acteur réussit parfaitement à transmettre différentes émotions, autant de rires que de frissons. C’est par ces procédés qu’il nous expose son point de vue, démontrant qu’à travers les siècles, les histoires, les sentiments et les souffrances restent les mêmes. Ils prennent seulement des aspects différents, en suivant les évolutions des générations. Deux heures de notre temps, deux heures d’émerveillement devant la passion et le désespoir, deux heures revisitant nos émotions, une seule expérience, une seule morale : les siècles ont passé et seules les situations ont changé, mais une même morale. Les histoires d’amour détruisent toujours autant d’amitiés et le cœur des passionnés est fragile. Attention !

Caroline ( 1ère C2 )

Ménage à trois : quel cirque !

Gilles Cailleau, acteur, metteur en scène et directeur de la troupe de théâtre forain « Attention fragile », a choisi de mettre en scène Bérénice, tragédie classique du 17ème siècle écrite par Racine. Cette pièce évoque pour lui tout le courage et le risque de l’adolescence, période d’incertitude qu’il a lui-même connue. Il a donc choisi de l’intituler « Gilles et Bérénice » pour souligner son attachement à cette histoire mais aussi l’interprétation complète et personnelle qu’il en fait.

Le spectateur se retrouve assis dans un chapiteau sur une colline où l’herbe pourrait presque paraître réelle et il partage la scène avec l’acteur. Celui-ci ne joue pas devant nous mais plutôt avec nous, il réunit soudainement son public dans un lieu convivial et intime pour partager la même histoire. Le décor ne s’arrête plus au bord de la scène mais nous en faisons partie.

Gilles nous entraîne dans l’histoire de ces trois jeunes personnages à Rome au 1er siècle après Jésus-Christ qui doivent faire face à des choix difficiles et qui ne savent pas comment aimer. Le metteur en scène restitue ici avec justesse les premiers amours, les premières déceptions et la maladresse de l’adolescence toujours actuels. Cette tragédie où personne ne meurt souligne le désir de Racine à compliquer les choses pour nous montrer que même le pire des chagrins est surmontable. Mais Gilles apporte une réelle modernité en nous entraînant dans l’univers burlesque du cirque, même si un peu parodique parfois. Gilles a quand même senti des éléments qui non seulement attirent notre attention et facilitent la compréhension mais sont aussi de réels symboles ; la tente que partagent les trois personnages ou encore le château de sable d’Arsace ne sont qu’une simple représentation des relations étroites entre les trois amis ou d’un pouvoir politique qui se défait.

Entre rire, émotion, euphorie et au rythme de Kylie Minogue, Cat power et Cocciante, Gilles donne corps à la pièce, libère son énergie et prend des risques pour nous montrer le réel dilemme de l’histoire. On applaudit le metteur en scène autant que l’acteur qui a su nous réconcilier avec le théâtre classique.

Qui a dit qu’une pièce en alexandrins était ennuyante ?

Laura ( 1ère S1 )

Attention, Monsieur Loyal, le spectacle va commencer !

Mesdames et messieurs, parents et enfants, élèves et enseignants, Gilles Cailleau entre en scène !

C'est avec stupeur et tremblements que le spectateur découvre « Gilles et Bérénice ». Gilles Cailleau réactualise, en effet, la tragédie de Racine si bien connue Bérénice. Il entremêle pour cela cirque, rire et tragédie. « Le théâtre se meurt » a-t-il confié. Non, grâce à lui, le théâtre reprend du souffle, une vraie bouffée d'air pur. Il est vrai que peu de monde, de nos jours, s'intéresse à la tragédie. Cependant, grâce à son jeu d'acteur et de metteur en scène, il arrive à nous captiver, nous, spectateurs. Le décor en lui-même est atypique : un chapiteau de cirque se dresse devant nous et l'intérieur est recouvert d'herbe en plastique.

En pénétrant à l'intérieur du chapiteau, le spectateur se croirait dans un univers parallèle, totalement différent, presque magique. Malgré les gradins inconfortables, le spectateur se sent au plus proche de Gilles Cailleau qui, seul sur la pelouse, joue quatre personnages, tout simplement…

Il n'a pas froid aux yeux et est resté au fond un grand enfant, comme nous tous. Peur de l'ennui du spectateur, nouvelle définition de l'amour impossible, voilà sans doute quelques-unes des raisons de sa réécriture de Bérénice.

Alors pourquoi ? Pourquoi en sortant de la salle, certains peuvent-ils ressentir un sentiment de vide ? Spectacle hilarant, intéressant mais surtout stupéfiant. Gilles Cailleau prouve que la tragédie peut encore provoquer des sentiments forts chez le spectateur et que l'on peut, dans une tragédie classique, combiner rire et tristesse, tragédie et comique, sans que cela n'altère la beauté de la pièce.

Mais, après avoir vu ce spectacle, le spectateur pourrait se demander...la tragédie classique et convenue est-elle vouée à disparaître des scènes de théâtre ? Non, une survie est possible au plus près de nous.

Rachel V. ( 1ère S1 )