Mise à jour : 01/03/04.

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31.01.04

[c1]
Regarde au fond des choses. Que la qualité particulière et la valeur d'aucune ne passent pas inaperçues de toi.
> Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, VI, 3.

[c2]
§1. Je le sais, Lucilius, c'est pour vous un axiome : point de vie heureuse, pas même de vie supportable, sans l'étude de la sagesse ; la vie heureuse est le fruit d'une sagesse consommée, et la vie supportable elle-même suppose un commencement de sagesse. Mais cette conviction où vous êtes, il faut vous y affermir, et l'enraciner de plus en plus par des méditations journalières. Il est moins pénible de prendre une louable résolution que de la soutenir. Que la persévérance, qu'un travail assidu vienne donc augmenter vos forces, jusqu'à ce que la perfection même ait fait place en vous au désir de la perfection.
§2. Aussi n'ai-je pas besoin de longues et verbeuses protestations de votre part; je sais apprécier l'étendue de vos progrès. Je connais le sentiment qui dicte vos lettres; je n'y vois point d'apprêt, point de fard. Cependant je vais m'ouvrir à vous : j'espère de vous, mais ne m'y fie pas encore. Faites comme moi, point trop de promptitude et de facilité à compter sur vous-même.
Examinez-vous, sondez tous les replis de votre âme, étudiez-vous. Mais voyez avant tout si c'est dans la théorie de la sagesse, ou dans sa pratique que consistent vos progrès.
§3. Non, la philosophie n'est pas un art fait pour éblouir le vulgaire, une science d'apparat : elle est toute de choses et non de mots. Son emploi n'est pas de fournir un passe- temps agréable, d'ôter à l'oisiveté ses dégoûts; elle forme l'âme; elle la façonne; elle règle la vie, dirige les actions, montre ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter; elle sert à l'homme de pilote, et conduit sa nacelle au milieu des écueils sans elle, point de sûreté.
> Sénèque, Lettres à Lucilius, II, 16, 1-3.

 

01.02.04

[c3]
Qui veut guérir de l'ignorance, il faut la confesser. Iris est fille de Thaumantis.
L'admiration [= l'étonnement] est fondement de toute philosophie, l'inquisition [= le recherche] le progrès, l'ignorance le bout.
> Michel de Montaigne, Essais, III, 11, Des boiteux, édition de Pierre Michel, Folio n°291, p.312.

Montaigne fait là référence à Platon :

[c4]
Il est tout à fait d'un philosophe, ce sentiment : s'étonner. La philosophie n'a point d'autre origine, et celui qui a fait d'Iris la fille de Thaumas a l'air de s'entendre assez bien en généalogie.
> Platon, Théétète, 155d, traduction Auguste Diès, 1926.

Iris, c'est l'incarnation colorée de ce qui permet le regard, l'admiration et l'étonnement devant les merveilles de la Nature. Iris était la déesse de l'Arc-en-ciel, fille du Titan Thaumas et d'Électre, la fille du Titan Océanos. Messagère de Zeus et de son épouse Héra, Iris quittait l'Olympe pour apporter les commandements divins aux êtres humains, qui voyaient en elle une conseillère et un guide. Voyageant à la vitesse du vent, elle pouvait aller d'un bout à l'autre de la terre, au fond de la mer comme dans les profondeurs du monde souterrain. Bien qu'elle fût sœur de ces monstres ailés qu'étaient les Harpies, Iris était représentée sous les traits d'une belle jeune fille, pourvue d'ailes et vêtue de robes aux brillantes couleurs; sa tête était entourée d'un halo de lumière et elle filait à travers le ciel, laissant dans son sillage un arc-en-ciel, symbole du lien entre le ciel et la terre.

 

02.02.04

[c5]
Nous prenons en garde les opinions et le savoir d'autrui, et puis c'est tout :
il les faut faire nôtres. Nous semblons proprement celui, qui ayant besoin de feu, en irait quérir chez son voisin, et y en ayant trouvé un beau et grand, s'arrêterait là à se chauffer, sans plus se souvenir d'en rapporter chez soi. Que nous sert-il d'avoir la panse pleine de viande, si elle ne se digère, si elle ne se transforme en nous ? si elle ne nous augmente et fortifie ?
> Michel de Montaigne, Essais, I, 25, Du pédantisme, édition de Pierre Michel, Folio n°289, p.208.

[c6]
Toute autre science est dommageable à celui qui n'a la science de la bonté.
> Michel de Montaigne, Essais, I, 25, Du pédantisme, édition de Pierre Michel, Folio n°289, p.212.

 

04.02.04

[c7]
Toi donc qui aspires à de si grands biens, souviens-toi qu'il ne faut pas médiocrement te démener pour les atteindre, mais qu'il faut absolument en répudier certains, et en ajourner d'autres pour l'instant.
> Épictète, Manuel, I.4.

[c8]
Nous partons d'abord d'une observation,
nous obtenons des nombres que nous mesurons,
puis nous obtenons une loi qui résume tous les nombres.
Mais le vrai triomphe de la science,
c'est de pouvoir trouver une manière de penser telle que cette loi soit évidente.
> Richard Feynman, Cours de Physique, Mécanique 2.

[c9]
Je ne sais pas ce que le monde pensera de moi. Pour ma part, j'ai l'impression de n'avoir été qu'un enfant qui joue sur la plage et se divertit en trouvant ça et là un coquillage plus joli qu'à l'ordinaire, alors que
le grand océan de la vérité reste inexploré devant moi.
> Newton, souvenir rapporté à A. de Moivre.

 

05.02.04

[c10]
Ne te rebute pas, ne te dégoûte pas, ne te consterne pas, si tu ne parviens pas fréquemment à agir en chaque chose conformément aux principes requis. Mais lorsque tu en es empêché, reviens à la charge et sois satisfait, si tu agis le plus souvent en homme. Aime ce à quoi tu retournes et ne reviens pas vers la philosophie comme vers un maître d'école, mais comme ceux qui ont mal aux yeux retourne à la petite éponge et à l'œuf ; comme un autre malade, au cataplasme, et comme tel autre, à la compresse humide. En agissant ainsi, tu ne feras point parade de ton obéissance à la raison, mais auprès d'elle tu trouveras le calme.
> Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, V.9.

[c11]
Avec d'autres déjà j'ai discuté sur le problème que voici.
L'on soutenait que les malheurs, pour les humains,
l'emportent sur le bien. Mon avis est tout opposé.
le bien l'emporte sur le mal, et de beaucoup.
s'il n'en était ainsi, l'humanité aurait déjà péri.
Je rends grâce à celui des dieux qui soumit à un ordre
notre vie jusqu'alors confuse et bestiale,
en nous donnant d'abord l'intelligence ainsi que la parole,
messagère de nos pensées, par quoi chacun comprend les autres;
puis nous donne à manger le blé issu du sol et la pluie ruisselante
tombée du ciel, qui nourrit ce qui sort de la terre
et coule dans sa profondeur. Contre l'hiver ensuite,
et contre l'ardeur du soleil, il nous donna de quoi nous protéger,
et l'art enfin de naviguer, afin d'acquérir par l'échange
ce qu'un pays ne peut produire.
Ce qui reste indistinct et se dérobe à notre esprit,
le devin nous l'annonce en observant le feu,
les replis des entrailles et le vol des oiseaux.
lorsqu'un dieu prend de si grands soins pour nous aménager la vie,
sommes-nous des enfants gâtés pour vouloir davantage?
Mais
la raison aspire à dépasser la puissance des dieux,
Et quand nous avons la superbe au cœur,
Nous nous imaginons être plus sages qu'eux.
> Euripide, Les suppliantes, Thésée à dans le Premier épisode.

 

 06.02.04

[c12]
Voyant un grand personnage se vanter de la large bordure de pourpre de sa toge,
Démonax se pencha à son oreille, et saisissant le bord de son vêtement, il lui dit en le lui montrant : "Un mouton, remarque, portait cela avant toi, et ce n'était qu'un mouton."
> Lucien de Samosate, Vie de Démonax, 41, dans Les cyniques grecs, fragments et témoignages présentés par Léonce Paquet, LP n°4614, p.279, §34.

Démonax, par delà les siècles, en bon disciple de Diogène, a un propos qui rappelle celui que nous rapporte Laerce dans son texte sur la vie du premier des philosophes cyniques :

À celui qui tirait vanité de la peau de lion qui le couvrait, Diogène disait : "Cesse donc de déshonorer le vêtement du courage."
> Diogène Laerce, Vie de Diogène, dans Les cyniques grecs, fragments et témoignages présentés par Léonce Paquet, LP n°4614, p.279, §34.

À moins que ce ne fut, nous dit Léonce Baquet en note, un souvenir du mot de Sotadès dans Strobée :

"Tout monarque que tu puisses être, écoute comme un mortel que tu es: [...] tu es richement vêtu, mais un mouton a porté cela avant toi..."

 

07.02.04

[c13]
[...] là où les bornes de notre connaissance possible sont très étroites, l'inclination à juger très grande, l'apparence qui se présente très pompeuse et le préjudice causé par l'erreur très considérable, une instruction négative, qui ne sert qu'à nous préserver des erreurs, a beaucoup plus d'importance que mainte instruction positive par où notre connaissance pourrait être augmentée.
La contrainte qui réprime et finit par détruire le penchant qui nous pousse constamment à nous écarter de certaines règles s'appelle discipline.
> Kant, Critique de la raison pure, Méthodologie Transcendantale, I. Discipline de la raison pure, trad. Jules Barni, GF n°257, p.545.

Le même Kant :

C'est au fond de l'éducation que gît le grand secret de la perfection de la nature humaine.
> Kant, Réflexions sur l'éducation, traduction par A. Philonenko, Vrin, Paris, 1993. (trouvée sur le site diffusant la thèse de Nicolas Papon-Klein, L'éducation critique ).

[c14]
Le cheval n'aime pas le mors ; il ne cesse de le mâcher ; il espère qu'il l'usera. On peut supposer qu'il le connaît et l'explore. Le mors se laisse explorer et, si l'on peut dire, manier par la langue et les mâchoires.
Certes le mors ne cède jamais, mais cette sorte de protestation mâchonnante ne s'use jamais non plus. Et si l'on disait d'un peuple que quelque tyran lui a passé le mors, on voudrait dire que ce peuple médite sur l'esclavage, et même est sur le point de le comprendre. Le joug est une autre ruse. Par la forme du bœuf, on peut dire que l'art de persuader approche ici de la perfection. Sur l'arme même, sur la corne, repose cette pièce de bois qui lie le bœuf à son frère bœuf ; et il n'y a pas d'espérance que jamais le bœuf connaisse, explore, comprenne cette pièce de bois qui le tient, mais plutôt c'est tout son être qui devient soudain plus lent, plus lourd. En sorte que, s'interrogeant lui-même, il ne trouve point de contradiction entre sa propre force et une force intérieure qui l'enchaîne. La charrue, la terre, le bouvier, tout cela lui est intérieur ; tout cela ensemble est un bœuf. Telle est la bonne volonté du bœuf ; regardez-le marcher, tirer, tourner. Joug, fatalité.
> Alain, Propos sur la Nature, propos choisis et classés par Robert Bourgne, Folio essai n°428, 2003, p.194-5; texte tiré de Les saisons de l'esprit (1935), LVI, 28.09.1927.

 

08.02.04

[c15]
De tout ce qu'il est possible de concevoir dans le monde, et même en général hors du monde, il n'est rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n'est seulement une BONNE VOLONTÉ. L'intelligence, le don de saisir les ressemblances des choses, la faculté de discerner le particulier pour en juger, et les autres talents de l'esprit, de quelque nom qu'on les désigne, ou bien le courage, la décision, la persévérance dans les desseins, comme qualités du tempérament, sont sans doute à bien des égards choses bonnes et désirables ; mais ces dons de la nature peuvent devenir aussi extrêmement mauvais et funestes si la volonté qui doit en faire usage, et dont les dispositions propres s'appellent pour cela caractère, n'est point bonne. (...)
Ce qui fait que la bonne volonté est telle, ce ne sont pas ses œuvres ou ses succès, ce n'est pas son aptitude à atteindre tel ou tel but proposé, c'est seulement le vouloir ; c'est-à-dire que c'est en soi qu'elle est bonne ; et, considérée en elle-même, elle doit sans comparaison être estimée bien supérieure à tout ce qui pourrait être accompli par elle uniquement en faveur de quelque inclination et même, si l'on veut, de la somme de toutes les inclinations. Alors même que, par une particulière défaveur du sort ou par l'avare dotation d'une nature marâtre, cette volonté serait complètement dépourvue du pouvoir de faire aboutir ses desseins; alors même que dans son plus grand effort elle ne réussirait à rien ; alors même qu'il ne resterait que la bonne volonté toute seule (je comprends par là, à vrai dire, non pas quelque chose comme un simple vœu, mais l'appel à tous les moyens dont nous pouvons disposer), elle n'en brillerait pas moins, ainsi qu'un joyau, de son éclat à elle, comme quelque chose qui a en soi sa valeur tout entière. L'utilité ou l'inutilité ne peut en rien accroître ou diminuer cette valeur. L'utilité ne serait en quelque sorte que la sertissure qui permet de mieux manier le joyau dans la circulation courante ou qui peut attirer sur lui l'attention de ceux qui ne s'y connaissent pas suffisamment, mais qui ne saurait avoir pour effet de le recommander aux connaisseurs ni d'en déterminer le prix.
> Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Première section, traduction de Victor Delbos (1862-1916).

 [c16]
Voici venir les temps ou vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir
Valse mélancolique et langoureux vertige

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige
Valse mélancolique et langoureux vertige
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir

Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige
Un cœur tendre qui hait le néant vaste et noir
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige

Un cœur tendre qui hait le néant vaste et noir
Du passé lumineux recueille tout vestige
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir

> Baudelaire, Les Fleurs du Mal, XLVII. Harmonie du soir, LP n°677, 2002, p.95.

 

28/02/04

Savez vous que vous pouvez trouver en ligne un très bon site pour le Français en prépas scientifiques ?

29/02/04

Vous avez été plusieurs à me transmettre des citations, merci à vous. Voici celles que je retiens pour cette page :

[c17]
Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui l'une et l'autre nous dispensent de réfléchir.
> Henri Poincaré, Extrait de La science et l'hypothèse.

[c18]
On fait la science avec des faits, comme on fait une maison avec des pierres : mais une accumulation de faits n'est pas plus une science qu'un tas de pierres n'est une maison.
> Henri Poincaré, ibid. ?

[c19]
L'homme civilisé éprouve le sentiment de sa superiorité par rapport à l'homme primitif. En quelque sorte, il se prend pour un être de niveau plus élevé (....)Bref, il est fier de ses instruments plutôt perfectionnés(...) en revanche, combien de civilisés ont- ils une idée relativement claire de la nature et de l'origine des choses dont l'usage ou la consommation leur paraissent évidents?
> Albert Einstein extrait du New York Times du 12 Fev 1936

[c20]
Puisqu'on ne peut être universel et savoir tout ce qu'on peut savoir sur tout, il faut savoir un peu de tout. Car il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d'une chose; cette universalité est la plus belle.
> Pascal, Pensées.

[c21]
Socrate
. Remarques-tu encore, Ménon, à quel point il en est à présent dans le chemin de la réminiscence ? Au commencement, il ne savait quel est le côté du carré de huit pieds, ce que d'ailleurs il ignore encore. Mais il croyait alors le savoir et il répondait avec assurance comme s'il le savait, et il n'avait pas conscience de la difficulté. A présent il reconnaît son embarras, et, s'il ne sait pas, il ne croit pas non plus savoir.
> Platon, Ménon, 84a. è cf. [c3]

[c22]
Socrate
. On emploie le mot
apprendre en parlant d'un homme qui, ne connaissant d'abord rien d'une chose, en acquiert ensuite la connaissance, mais on emploie aussi le même terme de l'homme qui, possédant cette connaissance, s'en sert pour examiner cette même chose, soit dans la pratique, soit dans le théorie. Il est vrai qu'on appelle cela comprendre plutôt qu'apprendre, mais parfois aussi on l'appelle apprendre.
> Platon, Euthydème, 278a.


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Mise à jour : 01/03/04.