Projet pédagogique 2000-2001
Centre François Mauriac de Malagar, Collège Jacques Prévert Bergerac |
François Mauriac Les paysages |
Mauriac a toujours manifesté une grande
passion pour les paysages qu'il a habités et où il a fait
évoluer la plupart de ses personnages.
Mais le regard de l'écrivain n'est pas exactement le regard du géographe, il aménage ce qu'il décrit, quant aux paysages, ce sont ceux de la première moitié du siècle. Or les hommes interviennent, parfois lourdement sur les territoires qu'ils habitent. Le témoignage de François Mauriac nous permet précisément de mesurer ce qui a évolué et ce qui n'a pas changé. |
Malagar | Saint-Symphorien | Utilisation du sol | Démographie | La vallée de la Garonne |
"Les
propriétés où je vécus, enfant, et où
je reviens encore, fixent les deux axes essentiels de la campagne girondine
landes et vignobles ; je ne me fais donc pas scrupule de les décrire
ici, forêts et vignes, régions aussi différentes que
peuvent l'être l'Italie et la Norvège."
"J'ai
pourtant consacré bien des pages à ce pays de coteaux et
de vignes, où s'élève ma vieille maison devant la
plantureuse vallée garonnaise. Il est vrai que les pins à
l'extrême horizon, tracent une ligne noire et arrêtent mon
regard. Mais à peine sont ils visibles : il faut savoir que c'est
eux. Si quelques détachements de leur immense armée s'avancent
jusqu'aux abords de Langon, la forêt ne surgit qu'au delà
de Sauternes."
"Que
de fois suis-je revenu sur ce contraste des deux régions qui se
touchent et qui étonnaient mon enfance lorsque, après trente
kilomètres à travers les forêts de Saint-Symphorien
et de Villandraut, soudain en plein Sauternais, entre le château
Guiraud et le château Rieussec, la route débouchait sur le
ciel vide! Quelques pas encore et les rives de la Garonne apparaissaient,
chargées de leurs crus illustres, campagne trop peuplée où
les villages se touchent, où l'homme est partout; aucun espace n'y
est laissé à la forêt, à la solitude; dans ce
pays de Barsac, chaque arpent a trop de prix pour qu'on y fasse sa part
au rêve. Les pins innombrables s'arrêtent sur le seuil d une
zone interdite aux arbres, sauf à des boqueteaux de grêles
acacias qui fournissent des supports à la vigne."
Il est souvent question dans les lettres flatteuses
qu'il m'arrive de recevoir, des pins de Malagar et du bonheur
que je dois goûter à leur ombre. Or, il ne se trouve à
Malagar d'autres pins que la demi-douzaine que j'y ai dévotement
plantés et qui y poussent fort mal, car ces amants de la pauvreté
périssent dans une terre trop riche. |
Et
pourtant, il est vrai que ces pins invisibles demeurent présents
sur ma colline. Par un été sec et torride comme celui dont
nous achevons la traversée, il suffit que le vent souffle du sud
pour que je reconnaisse leur parfum. Surtout si quelque incendie les dévaste
(et il n'y eut guère de jour, cet été, où n'ait
surgi une de ces sombres mu railles de fumée qui au crépuscule,
deviennent incandescentes; hier encore l'horizon était en feu du
côté de Villandraut et de Balisac, où sont les pins
de mon frère Pierre, et j'ignore encore s'ils ont été
épargnés...).
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Livre en vain tes cheveux à tous les vents du monde
Tends tes branches au déçu que tu voulais saisir Rien n'arrachera ta racine profonde A mon immense corps engourdi de plaisir (La déesse de la végétation Cybèle, n'ayant pu réussir à séduire Atys, l'avait transformé en pin pour être sûre de le garder pour elle |
Alors l'odeur
de résine brûlée traverse la plaine, monte jusqu'à
ma terrasse. Je ferme les yeux pour la respirer. Sur ce coteau consacré
au raisin, les pins de mon enfance m'entourent tout à coup; je les
retrouve mieux que Si je les revoyais. Avant la guerre, il m'arrivait de
les visiter quelquefois et je ne les reconnaissais pas. Ils dérangeaient
l'image impérissable que j'en avais gardée. Aujourd'hui,
je souhaiterais de ne jamais revoir le parc où je sais que les bûcherons
étrangers qui l'occupent enterrent leurs chevaux : on me dit qu'il
flotte parfois, sous les branches du «Mystère Frontenac »,
une odeur de charnier... Mais cette odeur là n'atteint pas Malagar.
Ici, j'entends respirer les pins invisibles et contemple de loin leur martyre;
je les regarde brûler dans la nuit. Il m'arrive de sentir sur ma
face la chaleur de ce bûcher.
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Je parle encore
d'incendie et de l'haleine brûlante des pins consumés, mais
ce matin, au réveil, sans que rien l'eût annoncé, l'automne
était là, et déjà à sa besogne, il arrachait
par paquet les feuilles malades des ormeaux; la terre heureuse buvait enfin
la pluie. Pourtant les pins invisibles ne m'ont pas quitté; ce souffle
humide sur mon visage et sur mes mains, c'est le leur encore; c'est le
même que je chérissais le dernier jour des vacances, quand
nous faisions une suprême fois le tour du parc, la figure levée
vers les premières palombes, le coeur saisi d'une folle attente
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Mais
dans les campagnes girondines, je ne me suis jamais interrompu de vivre,
je n'en fus jamais déraciné. L'homme que je suis devenu vivait
déjà dans l'enfant assis à ce même tournant
d'ailée où je m'arrête pour écrire ces lignes
alors, comme aujourd'hui, j'écoutais le vent dans les pins, mais
ne le sentais pas sur mon visage. Le vent d'équinoxe, arrêté
par l'immense forêt odorante et chaude, ne se décèle
qu'au glisse-ment des nuages, qu'au balancement des cimes, à ce
bruit de mer qu'elles font dans le ciel.
Bruit
de mer? Telle est la comparaison accoutumée. Mais le vent dans les
pins gémit moins sauvagement que l'Atlantique, il ne pousse pas
ce cri d'un monstre aveugle et sourd; c'est une plainte éolienne,
une plainte humaine elle entre en moi qui suis immobile au milieu
des arbres sans nombre, et mon être profond collabore à ce
gémissement indéfini, comme si je n'étais qu'un pin
entre mille autres et que le souffle envahit.
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Questions
Les trois graphiques circulaires concernent le canton de St Macaire. Quelles grandes évolutions montrent-ils? F.Mauriac les avait-il perçues dans ses textes? |