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THE Fiche
ressource 2. Les systèmes électoraux Position
du problème Comment
transformer le nombre de voix obtenu à telle ou telle élection en nombre de
sièges ? Question essentielle puisque est en jeu la portée du vote des
citoyens et que de la justice de l’opération de transformation des voix en
sièges dépend la qualité démocratique d’un régime politique. Mais
quelle justice ? Celle qui permet une représentation fidèle des courants
d’opinions ou celle qui permet aux électeurs de désigner eux-mêmes une
majorité de gouvernement ? Choisir une règle de calcul, c’est-à-dire un
système électoral – ou encore, un mode de scrutin – n’est pas, en
effet, un simple problème technique ; c’est une question éminemment
politique qui, depuis l’instauration du suffrage universel, divise
l’opinion. L'exception
française La
France a expérimenté tous les systèmes électoraux : le scrutin majoritaire
à deux tours, uninominal ou de liste, sous la IIIème République ; le
scrutin proportionnel sous la IVème, avec une atténuation majoritaire pour
les élections législatives de 1951 et 1956. Depuis la Vème République, le
scrutin majoritaire à deux tours est utilisé pour l’élection présidentielle,
les élections des députés (sauf en 1986 où la gauche avait rétabli la
proportionnelle aussitôt supprimée par la droite après sa victoire à ces mêmes
élections) et l’élection des sénateurs dans les départements ayant au
moins quatre sénateurs ; le scrutin proportionnel est utilisé pour l’élection
des sénateurs dans les départements ayant plus de cinq sénateurs, l’élection
des conseillers régionaux et pour l’élection des députés européens ; un
scrutin mixte a été inventé en 1982 pour l’élection des conseillers
municipaux dans les communes de plus de 3500 habitants. A l’étranger, le
système le plus utilisé pour l’élection des députés est le système
proportionnel : Allemagne, Espagne, Belgique, Pays-Bas, Portugal, Grèce,
Danemark, Autriche,…et la plupart des nouvelles démocraties de l’Europe
centrale et orientale. Le scrutin majoritaire à un seul tour est pratiqué
essentiellement en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, au Canada et au Japon. Au
regard du droit électoral comparé, le choix du système majoritaire à deux
tours apparaît donc comme une exception française. Systèmes
électoraux et représentation des opinions. Les
systèmes électoraux n’enregistrent pas simplement ou mécaniquement la réalité
de la représentation électorale des opinions ; ils opèrent aussi des
retouches, des manipulations qui peuvent parfois produire une photographie très
déformée de la réalité. Celui qui assure la représentation la plus fidèle
est, bien sûr, le système proportionnel puisque chaque courant est représenté
conformément à son poids électoral. Encore que l’obligation d’obtenir
un minimum de suffrages (actuellement 5% en France) pour participer à la répartition
des sièges et le choix du plus fort reste ou de la plus forte moyenne comme
technique de répartition des sièges restant peuvent laisser hors de la représentation
nationale les petits partis ou les courants émergents. Mais globalement, tous
les électeurs, quel que soit leur courant politique, peuvent avoir le
sentiment d’être représentés. Il en va différemment avec le système
majoritaire à un tour qui produit une photographie très déformée de la réalité
électorale, voire une photographie inversée. Ces déformations renvoient à
la logique même du système : un parti peut parfaitement obtenir dans toutes
les circonscriptions un bon score électoral, mais, arrivant souvent en deuxième
position, il aura peu d’élus ; en revanche, un parti peut obtenir des résultats
moyens, mais, arrivant souvent en première position, il aura beaucoup d’élus. Systèmes
électoraux et désignation des gouvernants Le
scrutin proportionnel, parce qu’il garantit la représentation de tous les
courants politiques conformément à leur influence électorale, ne favorise
pas, à priori, l’émergence d’une majorité parlementaire ; au contraire,
chaque courant a intérêt à marquer son identité en se distinguant de son
voisin, à présenter des candidats et à refuser de se fondre, avant les élections,
dans des alliances qui pourraient le priver de représentation. A l’arrivée,
le Parlement se compose de multiples groupes politiques, aucun n’ayant à
lui seul la majorité et aucune alliance n’ayant été préalablement
constituée. Dans ces conditions, la fabrication d’une majorité de
gouvernement et la désignation des gouvernants reviennent aux partis ; les électeurs
ont seulement “distribué les cartes ”-20% à tel parti, 12% à tel autre,
…-ce sont les partis qui font le jeu en concluant entre eux les alliances nécessaires
pour gouverner ; mais, comme elles se font après les élections, les électeurs
n’ont pas de prise sur elles ; ils peuvent ne pas en avoir été informés,
être surpris et même en désaccord avec le choix d’alliance de leur parti
pour lequel ils n’auraient peut-être pas voté s’ils avaient su (ce fut
le cas, par exemple, aux élections régionales de 1998 lorsque certains
responsables de droite ont constitué, après les résultats, une majorité
avec les voix de l’extrême droite). En revanche, avec le système
majoritaire, le rôle des citoyens dans la désignation des gouvernants est prépondérant
: par leur vote, ils choisissent et désignent directement la majorité et les
hommes qui gouverneront. Lorsque l’élection se joue à deux tours, les
partis d’un même grand courant politique ont intérêt à passer alliance
avant les élections afin de faciliter au second tour le rassemblement de
leurs électeurs sur le nom du candidat le mieux placé au premier ; les électeurs
connaissent donc avant de voter les alliances politiques en compétition et
choisissent ainsi par leur vote celle qui deviendra majorité et celle qui
sera dans l’opposition. Lorsque l’élection se joue à un seul tour,
l’effet décisionnel du vote est encore plus clair. Systèmes
électoraux et régime politique. Le
choix d’un système électoral contribue assurément à déterminer la
figure d’un régime politique : qui veut privilégier la représentation des
opinions choisira le système proportionnel, et qui veut privilégier la désignation
des gouvernants par les électeurs choisira le scrutin majoritaire. Il est
ainsi habituel de dire que le premier est juste mais inefficace et que le
second est injuste mais efficace ; autrement dit, que le scrutin proportionnel
permet la représentation fidèle des courants d’opinions mais non la désignation
d’une majorité de gouvernement par les électeurs alors que le scrutin
majoritaire déforme la réalité électorale mais permet aux citoyens de dégager
par leur vote une majorité politique. Sans
être totalement fausse, cette systématisation des effets des modes de
scrutin se heurte à de sérieuses objections. En Allemagne, en Autriche, en
Espagne, en Grèce, au Portugal, le scrutin proportionnel n’a pas empêché
la vie politique de s’organiser autour de deux grands partis, le parti
conservateur et le parti social-démocrate ; en Belgique, en Suède, en Norvège,
aux Pays-Bas, il n’a pas empêché, malgré le multipartisme, la
constitution de majorités de gouvernement stables. Que le scrutin soit
majoritaire comme en France ou proportionnel comme en Espagne, l’électeur
français sait qu’en votant à gauche en 1997, il désigne Lionel Jospin
comme Premier ministre et l’électeur espagnol sait qu’en votant à droite
en 2000, il désigne José Aznar comme Premier ministre. Il convient donc d’être
prudent dans l’appréciation de l’influence d’un système électoral sur
la forme d’un régime politique ; elle existe mais elle ne le détermine pas
en entier. D’autres facteurs entrent en jeu : la structure sociale du pays,
le caractère unitaire ou fédéral de son organisation territoriale,
l’importance des oppositions idéologiques, le poids de la religion… Bibliographie
: ·
COTTERET
J.-M. et EMERI C., Les Systèmes électoraux, PUF, coll. “ Que
sais-je ? ”, n°1382, 1994. ·
PASSELECQ
O., Modes de scrutin et systèmes électoraux, la Documentation française,
1995. |
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