Etape 1 - Situation avant la repression
 

En rédigeant ces textes de lois, on prit soin de ne pas porter atteinte aux intérêts tenus pour légitimes d'autres groupes sociaux. Le Harrison Act, par exemple, était formulé de telle manière qu'il permettait au personnel médical de continuer à utiliser la morphine et les autres dérivés de l'opium pour soulager la douleur ou pour toute autre fin qui semblait justifiée d'un point de vue médical. Cette loi était en outre exprimée en des termes qui lui évitaient d'entrer en contradiction avec les dispositions constitutionnelles confiant les pouvoirs de police aux divers Etats. En raison de cette contrainte, la loi fut présentée comme une mesure fiscale: elle taxait les pourvoyeurs de drogue non agréés à un taux exorbitant, tandis qu'elle autorisait les fournisseurs agréés (principalement les médecins, les dentistes, les vétérinaires et les pharmaciens) à ne payer qu'une taxe symbolique. En dépit de cette présentation, le Harrison Act était bel et bien une loi de police, et c'est bien ainsi que l'interprétèrent ceux qui reçurent mandat de l'appliquer. Une des conséquences de l'adoption de cette loi fut la création, en 1930, au Treasury Department [Ministère des Finances] d'un Federal Bureau of Narcotics [Office fédéral des stupéfiants].

Les mêmes valeurs qui ont entraîné l'interdiction de l'usage de l'alcool et des drogues opiacées auraient évidemment pu s'appliquer au cas de la Marijuana, et il semble que, logiquement, c'est ce qui aurait dû se passer. Pourtant, les quelques témoignages sur l'usage de la marijuana que j'ai recueillis auprès de personnes ayant connu la fin des années vingt et le début des années trente me conduisent à penser qu'on ne faisait respecter les lois locales existant alors que de manière relativement laxiste. Bien sûr, c'était l'époque de la prohibition et la police avait des problèmes plus urgents à traiter. Ni la population ni les agents de la répression semblent avoir considéré l'usage de la marijuana comme un problème sérieux. Si tant est qu'ils aient fait attention à cet usage, ils estimaient probablement qu'il ne méritait pas qu'on s'active pour le réprimer. Il y a d'ailleurs un indice de ce laxisme: le prix de la marijuana semble avoir été beaucoup plus bas avant le vote de la loi fédérale, ce qui indique que la vente n'en était pas très risquée, et donc que la répression n'était pas sérieusement entreprise.

Même le Treasury Department, dans son rapport sur l'année 1931, minimisait l'importance du problème :

“ Les articles que les journaux consacrent périodiquement aux conséquences funestes des usages anormaux de la marijuana—ou chanvre indien—ont soulevé un grand intérêt dans le public, et l'on a prêté aux cas particuliers d'usage de la drogue qui ont été rapportés plus d'attention qu'ils n'en auraient reçu sans cela. Cette publicité tend à exagérer l'extension du mal et accrédite l'idée que les usages normaux de la drogue atteignent des proportions alarmantes, alors que l'augmentation réelle de sa diffusion n'a peut-être pas été excessivement forte ”.

 
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