Etape 2 - L'action du bureau
 

C'est le Bureau of Narcotics du Treasury Department qui a fourni le gros des efforts qui ont abouti au Marijuana Tax Act. Il est certes difficile de connaître les motifs des fonctionnaires de ce Bureau ; mais il suffit d'admettre qu'ils perçurent un domaine d'infractions qui relevait parfaitement de leur compétence et qu'ils entreprirent de l'annexer. En travaillant à imposer une législation sur la marijuana, ils satisfaisaient un type d'intérêt personnel commun à de nombreux fonctionnaires: réussir dans la tâche assignée et obtenir les meilleurs instruments pour cela. Le Bureau déploya ses efforts dans deux directions: il aida les Etats à élaborer des lois sur l'usage de la marijuana et il alimenta en faits et en chiffres les articles des journaux sur le problème. Ce sont là deux importants modes d'actions qui s'offrent à tous les entrepreneurs cherchant à faire adopter des normes : ils peuvent s'assurer le concours d'autres organisations intéressées et gagner l'opinion publique par l'intermédiaire de la presse et des autres médias. Si ces efforts réussissent, l'opinion publique prend conscience d'un problème.

Le Federal Bureau of Narcotics coopéra activement avec la National Conference of Commissioners on Uniformisation of State Laws [Commission nationale d'harmonisation des législations des Etats] pour élaborer des législations uniformes sur les stupéfiants en insistant, parmi d'autres sujets, sur la nécessité de réglementer l'usage de la marijuana. En 1932, la Conférence approuva un projet de loi, que le Bureau commenta en ces termes :

“ Les contraintes constitutionnelles existantes sembleraient exiger que ce soient les gouvernements des divers Etats, plutôt que le gouvernement fédéral, qui prennent des mesures répressives contre la circulation de chanvre indien à l'intérieur des Etats. La politique suivie a donc consisté, de manière générale, à inviter les autorités des Etats à mettre en place la législation nécessaire ainsi que l'arsenal répressif requis pour interdire ce commerce, en dehors d'authentiques buts médicaux. La loi sur les stupéfiants proposée à tous les Etats [...], assortie d'un texte optionnel restreignant le commerce du chanvre indien, a été recommandée comme moyen juridique approprié pour parvenir aux buts visés ”. Dans son rapport sur l'année 1936, le Bureau exhortait ses partenaires dans cette entreprise à augmenter leurs efforts et il laissait entendre que l'intervention fédérale pourrait bien devenir nécessaire: “ En l'absence d'une législation fédérale complémentaire, le Bureau of Narcotics ne peut donc pas mener par lui-même la lutte contre ce trafic. [...] Les usages anormaux de la drogue se sont répandus et continuent de se répandre dans de nombreux Etats; le Bureau of Narcotics a multiplié ses efforts pour faire admettre par les divers Etats la nécessité pressante d'appliquer fermement les lois locales sur le cannabis ”.

Voir le tableau

Le second front de l’offensive menée par le Bureau sur le problème de la Marijuana était tourné vers l’opinion publique : il s’agissait d’alerter celle-ci contre le danger qui la menaçait, au moyen d’une “ campagne d’éducation décrivant la drogue, sa nature et sa nocivité ”. Vers la fin de la campagne victorieuse en faveur d’une législation fédérale contre la marijuana, les efforts du Bureau pour gagner la population à son point de vue sur l’urgence portèrent tous leurs fruits. Le nombre d'articles sur la marijuana publiés dans les magazines de grande diffusion atteignit un niveau record (voir le tableau).

On peut voir un indice clair de l'influence du Bureau sur la préparation des articles de presse dans la répétition de certaines histoires d'atrocités initialement rapportées par le Bureau. Par exemple, dans un article publié par l'American Magazine, le Commissioner of Narcotics [commissaire aux stupéfiants] racontait le fait divers suivant : au domicile, ils ont trouvé le jeune homme titubant au milieu d'un véritable carnage. A l'aide d'une hache, il avait tué son père, sa mère, deux frères et une sœur. Il semblait être dans un état d'hébétude. [...] Il ne se souvenait pas du tout d'avoir commis ces crimes. Les policiers le connaissaient comme un jeune homme ordinairement sain d'esprit et plutôt tranquille; il était maintenant fou à faire pitié. Ils en cherchèrent la raison. Le garçon leur dit qu'il avait l'habitude de fumer quelque chose que ses jeunes amis appelaient “ maggles ”, un nom que les jeunes donnaient à la marijuana ”.

Cinq des dix-sept articles publiés pendant la période 1937-1939 reproduisaient cette histoire et révélaient par là l'influence du Bureau.

Ainsi, le Federal Bureau of Narcotics a accompli l'essentiel de l'entreprise qui à conduit l'opinion publique à prendre conscience du problème et qui a coordonné l'action des autres organisations chargées de faire appliquer les lois. Forts des résultats de leur entreprise, les représentants du Treasury Department se sont présentés devant le Congrès avec une ébauche de Marijuana Tax Act et ont demandé l'adoption des dispositions proposées.

 
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