Pour une liaison Cycle 3- Collège :

 Lire Comment Wang-Fô fut sauvé, de Marguerite Yourcenar

  

Cette fiche a pour but de proposer trois entrées pour construire une liaison cycle3-collège à partir de la lecture d’une œuvre de littérature pour la jeunesse. En aucun cas, les propositions qui suivent ne constituent un « programme » de liaison ou les étapes d’une démarche. Nous avons souhaité que cette fiche de propositions pour une liaison cycle3-6ème  soit l’occasion ou le prétexte d’entamer une réflexion commune sur la place et le rôle de la littérature dans ces deux niveaux d’enseignement.

 

Le choix du texte.

Nous avons choisi pour plusieurs raisons ce texte de M. Yourcenar :

 ¢    Inspiré de contes orientaux, Comment Wang-Fô fut sauvé est un récit merveilleux. En ce sens, il s’inscrit parfaitement au carrefour des textes que l’on doit étudier au Cycle3 et en 6ème. 

¢    Comment Wang-Fô fut sauvé met en scène la relation entre un vieux maître et son jeune élève. Parce que ce thème invite à une réflexion sur la transmission ( d’un savoir, d’un savoir-faire, d’une culture, d’une pensée…) et sur l’apprentissage, il nous semble qu’il paraîtra familier, voire quotidien, à nos élèves. 

¢    Mais la portée du texte est beaucoup plus philosophique puisqu’elle interroge le rapport que l’art entretient avec le réel. D’un côté  la peinture témoigne du regard que le vieux peintre Wang-Fô porte sur le monde, de l’autre, elle est un leurre qui abuse l’esprit, un mensonge qui masque la réalité pour l’empereur. Pour le vieil artiste, la peinture est source de bonheur et pour le jeune souverain, elle est souffrance[1]. Cette réflexion sur le pouvoir de l’illusion nous paraît particulièrement pertinente à mener avec nos élèves, tous enfants de la vidéo-sphère. 

¢    Enfin, l’exotisme du récit qui ressuscite par quelques brèves annotations la Chine de l’antiquité, nous paraît propre à une confrontation avec les civilisations gréco-latines, judéo-chrétiennes et égyptiennes qui composent le socle du programme en littérature et en histoire de la classe de 6ème et une partie du programme d’histoire du cycle 3. 

¢    Ces remarques nous permettent d’envisager quatre entrées de lecture en classe :

§         Le fantastique

§         La relation maître-disciple.

§         Le personnage de l’empereur.

§         L’art de Wang-Fô.

 

Des pistes pour construire une liaison Cycle3-Collège.

 Les mises en œuvre trop lourdes, coûteuses en temps et en énergie peuvent nuire à la réussite d’une liaison. C’est pourquoi la question de la forme à donner à ce type d’échange est fondamentale et elle a déterminé nos choix.

Les objectifs que nous avons retenus croisent les programmes du cycle 3 et de la 6ème :

4    Partager une culture commune.

4    Communiquer son point de vue par différents moyens.

4    Accéder à la maîtrise des discours par le débat : prendre la parole en public.

 

1.      Construire une liaison sur une mise en réseau de textes à partir de la lecture de Comment Wang-Fô fut sauvé:

4    Réseau sur le fantastique : entrer dans l’œuvre d’art.

Toute la fin du récit de Marguerite Yourcenar peut être considérée comme fantastique. Le vieux peintre pénètre dans son œuvre, retrouve Ling et disparaît derrière le rocher qu’il a peint sur la toile. On peut lire métaphoriquement cette fin et y voir le pouvoir de l’art, de la fiction, de happer son créateur mais aussi son spectateur dans l’univers qu’elle propose. Sur ce thème, on pourrait lire : Prisonnière du tableau ! , Gérard Moncomble, Nathan, « Demi-lune », 2001 ; La Belle au lézard dans son cadre doré, Jean Rouaud, Albin Michel, 2002. Pour les plus grands, L’Infante de Vélasquez, Marie Brantôme, Seuil Jeunesse 2004.

                 4    Réseau sur la peinture et la relation maître-disciple dans la littérature.

Deux textes pourraient compléter cette étude :

François Place, Le vieux fou de dessin, Gallimard-Jeunesse. Ce très bel album raconte la relation imaginaire entre un jeune apprenti peintre et grand peintre japonais Hokusaï.

Pilar Molina Llorente, Le Petit peintre de Florence qui raconte l’apprentissage d’un adolescent dans l’atelier florentin d’un grand fresquiste de la Renaissance italienne.

 

Quelles formes donner à cet échange :

4    Construire une revue en ligne que l’on alimente au fur et à mesure des lectures.

4    Multiplier les pratiques de lecture à haute voix et organiser une/des rencontre(s) pour présenter ces lectures.

 

2. Construire une liaison sur le regard de Wang-Fô.

Wang-Fô regarde le monde en artiste et dans toute chose il découvre de la beauté, ce qui lui masque le réel : les toiles d’araignées dans la chambre d’auberge ; les manches des vêtements des soldats ; le doigt fin de l’empereur et même la beauté du contraste entre le rouge du sang de Ling et le vert du pavage de la salle du trône.

Si l’on adoptait le regard de Wang-Fô, comment verrions-nous l’univers qui nous entoure : notre classe, nos camarades, notre école ou notre collège, nos professeurs, notre village, notre rue… ? Comment faire partager cette vision ?

Dans une autre culture d’Extrême-Orient, au Japon, il existe une forme poétique (née au 16ème siècle), le Haïku, qui est une sorte d’instantané du regard :

Courte nuit d'été.
Une goutte de rosée
Sur le dos d'une chenille velue. (Buson Yosa, 1716-1783)

 

Quelles formes donner à cet échange ?

4    On pourrait combiner photos, dessins, Haïku pour rendre compte de la manière dont  nous voyons notre univers quotidien et organiser une exposition.

4    On pourrait échanger le travail mené sur la description dans les classes.

 

3. Une liaison construite sur la pratique du « débat philosophique ».

La pratique du débat (voir fiche débat) est inscrite au programme des classes de cycle 3. Il ne s’agit pas seulement, trente minutes par semaine, de régler collectivement les problèmes, les dysfonctionnements dans la classe ou dans l’école pour en tirer des règles de vie ou des préceptes de citoyenneté. Le débat permet d’accéder à la maîtrise des discours par une pratique progressive et  structurée de l’argumentation et par l’apprentissage des règles de la prise de parole en public : respect de l’interlocuteur, écoute, clarté de l’expression etc.

La mise en place de « débats philosophiques » en classe permet, par les thèmes abordés, d’élargir les échanges au-delà de la vie quotidienne de l’école et de se dégager de la pression de l’actualité.

La lecture de Comment Wang-Fô fut sauvé offre une excellente entrée en matière à cette pratique car les sujets de débats sont nombreux dans cette œuvre :

4    L’art :

Le pouvoir de l’illusion dans la fiction. Le vrai, le vraisemblable et l’imaginaire. À quoi sert un artiste ?…

            4    Apprendre :

Qu’est-ce qu’un bon/mauvais maître, un bon/mauvais élève ?…

4    Le pouvoir :

Le pouvoir de l’Empereur est-il sans limite ? L’artiste a-t-il plus de pouvoir que l’Empereur ?…

 Quelles formes donner à cet échange ?

            4    Constituer un « dossier » pour préparer le débat.

4    Filmer/enregistrer un débat. La vidéo, la cassette audio circulent entre les classes et font l’objet de critiques, de propositions d’amélioration.

 La pratique du débat est intéressante à exploiter si l’on en garde une trace. C’est sur cette trace que nous proposons d’organiser la liaison. Les échanges entre classes, le repérage des temps forts et faibles du débat, l’évaluation de sa pertinence, de la qualité des échanges oraux sont les éléments qui vont permettre l’élaboration d’un « cahier des charges » du débat.

M.C. CHATELIN, IEN Pau IV ; G. BEHOTEGUY, IUFM 64.

 

 [1] « Et c’est pourquoi, Wang-Fô, j’ai cherché quel supplice te serait réservé, à toi dont les peintures m’ont dégoûté de ce que je possède, et donné envie de ce que je ne posséderai pas. », Gallimard, « Folio-cadet », p. 18