Les enfants ont remarqué, au premier abord, la silhouette élancée du
personnage central de l'affiche du film, " en
couleurs " de Jacques Tati :
" L'oncle du petit garçon qui le
regarde en souriant ". Ils ont ensuite présupposé qu'il s'agissait donc d'un
film "drôle ", car " le chien ressemble
à un marteau " selon
les uns, à " une saucisse " ou encore à un dessin stylé " et " découpé
", selon d'autres élèves. De plus, ils ont trouvé ce
" grand bonhomme à la pipe
bizarre ", avec "son pantalon trop court et ses chaussettes rayées " ;
contrairement à Charlot*...
Hypothèse confirmée par le synopsis1,
puis vérifiée par des fou-rires au cinéma, mais après une longue
mise en place qui les a laissés "sans voix" :
" je n'ai pas trop
aimé le début car il n'y avait pas de dialogues " a fustigé une
critique en herbe. La majorité des élèves a pourtant apprécié
l'originalité
de la mise en scène, mais après que nous ayons
étudié la séquence d'ouverture du film, dont le générique
diégétisé
2
est une des clés du film
( cf photogrammes 1, 2, 3 et 4 du
document pour l'élève ) , à l'instar du sympathique chien de l'affiche ( un
teckel, ou hot-dog en anglais ) qui nous
guide dès le troisième plan du
film dans " l'histoire du film "( la diégèse
3.)
Un film du genre burlesque donc, mais portant aussi un regard
aguéri, poétique et critique sur le modernisme. Certains élèves ont
d'ailleurs bien
remarqué que le réalisateur* est aussi le
co- scénariste et l'acteur principal, puisqu'il
interprète* avec brio le personnage de Mr Hulot.
Tati incarne Hulot, comme Chaplin* se
déguise en Charlot* : entre " mîme "et gaffes
clownesques, mais toujours avec créativité, humanité et
pertinence.
L'acteur joue d'abord avec les décors
lors du tournage, pour mieux décliner l'éventail des effets
comiques : de geste, de répétition (
"allumer / éteindre
la fontaine " ) ..., de situations ( le tailleur et " le
chapeau " moderne "de la voisine" la font ressembler de loin à " un marchand de
tapis " avec un abat-jour )
puis le réalisateur jongle avec les bruitages et la
bande originale, pour mieux perturber les rares dialogues
et faire déjà remarquer les ravages de la société de consomation sur la
comunication entre les personnages.
" J'ai préféré la séquence où les sifflements des enfants perturbent la
circulation " a proclamé un garnement ! Une jeune spectatrice , quant à
elle, a été contaminée par " le fou-rire " communicatif et récurrent d'une
des
convives, amplifié lors du montage de la bande sonore.
Le modernisme est ainsi caricaturé en une sorte de machinerie sonore
( là encore, comme dans les temps modernes* de
Chaplin, mais
à la française )
stéréotypée et routinière, qui semble pouvoir se répéter
infiniment et dont
Hulot, les chiens et les enfants s'amusent à
perturber le destin
robotique et ridicule, à l'image symbolique de cette "sardine-jet
d'eau ", aussi artificielle que propice à arroser l'arroseur4...
Un de nos jeunes spectateurs a d'ailleurs exprimé sa préférence pour le remarquable contrepied que constitue " la séquence du garage ", ou lorsque le cadeau se transforme en piège," à cause de la queue du chien ! ".
La bande originale est aussi marquée par un refrain de
formation instrumentale plus traditionnelle, qui contraste
avec les sons électroniques ou mécaniques ; comme les pas métronomiques de la
secrétaire dans
l'usine du patron et propriétaire de la maison moderne5.
Une jeune cinéphile a bien vu que cela correspondait
visuellement aux échappatoires d'
Hulot, des enfant et des chiens, dans la vieille ville ou le
paysage.
C'est probablement pour tout cela que ces jeunes collégiens ont été si sages au cinéma et qu'ils ont applaudi à la fin du film ; mais aussi - en partie à cause de la durée de ce film - qu'ils ont été si bruyants dans le car...
Nul doute qu'ils feront tous l'effort, lors des prochains transports, de mieux se conduire : en faisant baisser le niveau sonore, afin de permettre au conducteur de bien se concentrer sur la route.
1Synopsis : Bref résumé du début du film...
2 : Cf diégèse, ci-dessous...
3Diégèse : univers spatio-temporel désigné par le récit filmique ou la narration audiovisuelle.
4Cf l'arroseur arrosé, des frères lumières.
5Caricature de l'architecture moderne mais hommage à Le Corbusier.