THEME  1 : 
EXERCICE DE LA CITOYENNETE, REPRESENTATION 
ET LEGITIMITE DU POUVOIR POLITIQUE. 

Fiche ressource 1. L'idée de représentation

 

Position du problème

Il convient de faire apparaître la représentation comme ce qui institue la souveraineté du peuple, ce qui le constitue en autorité dont émanent les lois en même temps qu'il se donne des acteurs qui exercent cette souveraineté, les représentants. Le pouvoir, institué ici, a sa source dans le peuple. Cela permet de réfléchir sur le lien entre la représentation et la république, qui cherche à substituer aux intérêts privés la volonté générale et l'intégration des individus en une communauté de citoyens. Il convient de réfléchir sur la nature de la représentation, ses conditions, ses moyens et ses limites : le rapport entre le législatif, l'exécutif et le judiciaire, les notions de responsabilité, de mandat, d'investiture, le rôle du vote, de la nomination, de la désignation, du concours de recrutement, le statut de l'administration et la professionnalisation de la politique. Il s'agit aussi d'analyser la représentativité républicaine et démocratique, en la distinguant d'une identité ou d'une identification du représenté au représentant, sur le mode fusionnel ou sur le modèle de la représentation théâtrale (État spectacle qui captiverait le citoyen spectateur). C'est alors le problème du pouvoir de contrôle et de critique qui est posé, la constitution d'un espace public et du débat démocratique.

 

Perspective historique

La représentation politique moderne a une histoire, et prend des formes différentes dans l'espace et dans le temps. L’analyse peut commencer par souligner la conquête progressive de l'universel dans la participation politique (1789, 1791, 1802, 1830, 1848, 1944, 1974, 1976) : suffrage universel puis censitaire, distinction entre citoyens actifs et citoyens passifs, suffrage universel masculin, puis aussi féminin, abaissement de l'âge de la majorité civique, citoyenneté européenne, problèmes posés par l'abstention, notion de capacité. On peut comparer la conception libérale anglo-saxonne de la démocratie représentative ou fédérative, qui s'efforce de garantir la représentation des classes et des groupes sociaux par la démocratie directe et le mandat impératif, et la démocratie participative républicaine universaliste à la française, fondée sur la souveraineté collective, le refus de la dépendance personnelle et du mandat impératif. L'origine de la nation oppose la conception médiévale du monarque représentant de Dieu sur terre à celle de l'État moderne où la nation est constituée par l'exercice de la citoyenneté. Se pose alors le problème de ce que doivent devenir la représentation et les pratiques démocratiques dans une perspective supranationale, par exemple l’Union européenne : comment le droit et les institutions communautaires peuvent-ils parvenir à faire émerger une véritable citoyenneté européenne et un espace public européen, garants du caractère démocratique et représentatif des institutions politiques européennes ?

 

La représentation : des fondements à la pratique.

Les fondements de la représentation consistent dans les principes suivants : avec le principe de la souveraineté, la nation n'exerce son autorité que par ses représentants ; avec le principe d'indivisibilité et le caractère organique de l'État, les échelons de la représentation (commune, département, région, nation, communauté européenne) ne sont pas des corps intermédiaires : l'État constitue un corps moral et politique reposant sur l'universalité de la citoyenneté et des citoyens, le peuple, dont aucune section ni aucun individu ne peut confisquer la souveraineté. La volonté générale s'exprime par des élections au suffrage universel, égal et secret ; le peuple instituant est responsable ; l'indépendance des élus dans l'exercice de leurs fonctions (l'immunité et ses limites légales) empêche les poursuites et les pressions mais ne supprime pas la responsabilité juridique ; le vote des élus est personnel (ils ne représentent pas leurs électeurs ni leur circonscription mais le peuple français) ; le contrôle du peuple sur les élus ne peut s'exercer, dans l'État de droit, que dans les formes, lieux et temps déterminés par les institutions.

 

On pourra faire apparaître les problèmes qui y sont liés : réalité des pouvoirs d'influence, discipline de vote des partis "étiquettes", coalitions de gouvernement, alliances électorales, qui altèrent la liberté personnelle des représentants ; l'illusoire capacité du vote personnel à produire la volonté générale et sa détermination par les rapports sociaux et économiques ; la difficulté pour le peuple d'exercer un contrôle critique sur les élus en dehors des périodes d'élection et le risque de délégation du pouvoir et de désaveu de la politique et des politiques ; la pression de l'opinion dans les prises de décision des élus et la tentation du "marketing" électoral ; la professionnalisation et l'affairisme de la classe politique, et la crise de la représentation ; les attaques contre la démocratie représentative, le fantasme du référendum permanent et la tentation fascisante, qui pourrait en résulter, d'une fusion avec un leader charismatique qui prétendrait incarner dans sa personne la volonté populaire.

 

3. Dépasser ces contradictions. Comment instituer réellement la communauté politique quand le champ social est traversé par les conflits d'intérêts de groupes sociaux antagonistes ? quand de nombreux citoyens sont dans l'incapacité matérielle d'exercer une citoyenneté active (sans domicile ni inscription sur les listes électorales) ou de participer faute d'avoir la disponibilité d'esprit ou les moyens matériels et intellectuels d'exercer une réflexion critique ? Comment assurer l'intégration républicaine de tous les citoyens, quand les formes de l'expression politique passent par la démocratie des partis, la personnalisation et la professionnalisation de la politique ? Comment éviter le risque de la technocratie ? Comment augmenter la participation des citoyens au débat démocratique, à l'espace public (mouvements sociaux et associatifs, syndicats) ? L'indépendance, l'indivisibilité et l'universalité de la nation exigent, en plus des règles juridiques et des institutions, d’une part d'instituer des représentations dans l'esprit des citoyens, et d’autre part la capacité de dépasser l'intérêt particulier au nom de l'intérêt général. C'est le rôle de l'école que d'assurer l'intégration des particularités dans l'universel du savoir et des valeurs de la République, de donner l'instruction sans laquelle n'y a pas de pouvoir réel du citoyen ni de liberté individuelle et politique, de construire l'espace public démocratique du droit à l'information et à la critique.

 

Bibliographie:

· CARCASSONNE G., La Constitution, Seuil, coll. “ Points Essais ”, 1996.

· CHARLOT J., La Politique en France, Le livre de poche, coll. "Références", 1994.

· FERRY L. et RENAUT A., Philosophie politique, t. III, “ Des droits de l'homme à l'idée républicaine ”, P.U.F, coll. “ Recherches politiques ”, 1985.

· LE PORS A., La Citoyenneté, P.U.F, coll. "Que sais-je?", 1999.

· MANIN B., Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, coll. "Champs", 1996.

· PORTELLI H., Les Régimes politiques européens, Le livre de poche, coll. "Références., 1994.

· ROSANVALLON P., “ Le sacre du citoyen ”, in Histoire du suffrage universel en France, Gallimard, coll. “ Bibliothèque des histoires ”, 1992.

· SCHNAPPER D. (BACHELIER C. collab.), Qu'est-ce que la citoyenneté? , Gallimard, coll. “ Folio actuel ”, 2000.  

 

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actualisé le 13/09/00