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THEME 2 :
Fiche Ressource 2 : LA GARANTIE DES DROITS FONDAMENTAUX Position
du problème Une
constitution n’est pas seulement un texte qui organise la séparation des
pouvoirs. Elle est aussi un document qui énonce les droits et libertés
auxquels un peuple adhère et sur lesquels il déclare fonder sa vie en société.
Ainsi, aujourd’hui, toutes les constitutions européennes consacrent la
liberté individuelle, la liberté d’aller et venir, la liberté
d’opinion, la liberté syndicale, le droit de grève, le droit au travail…
Importante sans doute, cette reconnaissance constitutionnelle ne suffit pas
pour assurer l’effectivité de ces droits fondamentaux ; encore faut-il
qu’existent des mécanismes propres à garantir leur respect. Le principal
est, évidemment, le mécanisme juridictionnel, national ou/et international,
permettant à une personne de faire constater et sanctionner par un juge la
violation de tel ou tel de ses droits fondamentaux. Mais, il en est un autre,
moins formalisé sans doute, la conscience citoyenne, selon le mot de
Tocqueville, qui constitue peut-être la meilleure garantie des libertés. Les
garanties juridictionnelles nationales. 1.
Protéger les droits fondamentaux contre la loi,
supposer que les représentants du peuple puissent voter des lois portant
atteinte aux libertés et soumettre, en conséquence, le jugement de la loi,
expression de la volonté générale, à un juge. Dans un pays comme la
France, qui a fait sa Révolution contre les Parlements de l’Ancien Régime
en interdisant aux juges, sous peine de forfaiture, de s’immiscer dans
l’exercice du pouvoir législatif ou de suspendre l’exécution des lois,
cette idée a mis du temps à faire son chemin. Il a fallu, en effet, attendre
la constitution de 1958 pour que, véritable révolution politique, soit créée
une juridiction particulière, le Conseil constitutionnel, chargée de contrôler
la conformité des lois à la constitution et donc aux droits fondamentaux
qu’elle énonce. Le mécanisme juridictionnel est simple : après le vote de
la loi mais avant sa promulgation, le Président de la République, le Premier
ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat
et soixante députés ou soixante sénateurs peuvent saisir le Conseil
constitutionnel qui dispose d’un mois pour juger si la loi a été adoptée
dans des conditions régulières et respecte les droits fondamentaux. Ainsi,
par sa célèbre décision du 16 juillet 1971, le Conseil a censuré, au motif
que la liberté d’association était une liberté fondamentale, une loi qui
voulait soumettre la création d’association à l’autorisation préalable
de l’administration. Si le contrôle juridictionnel de la constitutionnalité
apporte une garantie nouvelle aux libertés, il souffre cependant de deux
manques qui en fragilisent la portée : il ne peut être mis en oeuvre que sur
saisine des hommes politiques et il ne porte que sur les lois non promulguées.
Or, de multiples raisons peuvent conduire les hommes politiques à ne pas
saisir le Conseil constitutionnel, et, surtout, la dangerosité d’une loi
pour les droits fondamentaux s’apprécie davantage au moment de son
application concrète qu’à celui de son élaboration. 2.
Protéger les libertés contre les actes administratifs,
soupçonner l’administration de porter atteinte aux droits des citoyens et
la soumettre en conséquence à un contrôle du juge est, en revanche, une idée
plus facile à admettre dans la mesure où une décision du pouvoir
administratif n’a pas la même légitimité qu’une décision prise par les
élus du peuple. Encore que, toujours en réaction aux comportements des
Parlements de l’Ancien Régime, la France a confié le contrôle des actes
administratifs à un juge spécial et spécialisé, le juge administratif, qui
s’est ainsi reconnu compétent pour contrôler aussi ceux de ces actes accusés
de porter atteinte aux libertés. Les
garanties juridictionnelles internationales. 1.
Le droit national n’est
pas le seul à prévoir des mécanismes de protection des droits fondamentaux
; il existe aussi, en ce domaine, des traités internationaux qui, selon
l’article 55 de la constitution de 1958, ont une autorité supérieure aux
lois dès lors qu’ils sont régulièrement intégrés à l’ordre juridique
français. Ainsi, la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat utilisent régulièrement
les conventions internationales pour écarter l’application des lois
nationales contraires, et, en particulier, la Convention européenne des
droits de l’homme qui devient souvent le moyen principal de nombreuses décisions
de justice. Sur le fondement, par exemple, de l’article 5 de cette
Convention qui stipule que “ toute personne arrêtée ou détenue doit être
aussitôt traduite devant un juge et a le droit d’être jugée dans un délai
raisonnable ou libérée pendant la procédure ”, le tribunal correctionnel
de Lyon a ordonné, en septembre 1990, la mise en liberté de deux inculpés
en détention provisoire depuis quatorze mois. 2.
Le juge national n’est
pas le seul à garantir aux citoyens le respect de leurs droits ; un pas supplémentaire
dans la protection des droits fondamentaux est en effet franchi lorsqu’ils
peuvent s’adresser directement à un juge international pour faire constater
et sanctionner les agissements de l’Etat dont ils sont les ressortissants.
Le cas est encore rare dans la mesure où il signifie une possibilité d’ingérence
internationale dans les affaires intérieures d’un Etat, ce qui heurte le
principe de la souveraineté de décision des Etats à l’intérieur de leurs
frontières, principe toujours fondateur et organisateur des relations
internationales malgré son affaiblissement. Il existe cependant en Europe
puisque les Etats membres du Conseil de l’Europe ont, par la Convention de
Rome de 1950, donné à leurs nationaux le droit de les attaquer pour
manquement au respect des droits fondamentaux énumérés par ladite
Convention devant la Cour européenne des droits de l’homme. La
garantie par la “ conscience citoyenne ”. Il
est en effet des libertés qui ont ceci de particulier qu’elles jouent comme
des garanties pour l’exercice d’autres libertés. La propriété privée a
longtemps eu ce statut de liberté protectrice parce qu’elle était censée
assurer seule la liberté et la sécurité des individus : leur liberté,
parce qu’étant propriétaires, ils ne seraient pris dans aucune relation de
dépendance qui les obligeraient à penser ou agir de telle ou telle façon ;
leur sécurité, parce que de leur propriété, ils tireraient une autonomie
de vie et un rempart contre les intrusions aliénantes, notamment celles de
l’Etat. Elle n’a plus, aujourd’hui, ce statut ; en tout cas, elle ne
l’a plus seule. D’autres libertés remplissent également, et mieux que la
propriété, ce rôle de protection : le droit de grève, qui n’est au fond
qu’un droit au service de la défense des autres droits ; la liberté
d’association qui est au quotidien le meilleur instrument de défense et
d’exercice des libertés ; le droit de manifester qui s’exerce non pour
lui même mais pour la sauvegarde de telle ou telle liberté menacée ; le
droit de résistance à l’oppression bien sûr, qualifié de droit “
naturel et imprescriptible ” par la Déclaration de 1789, et qui est sans
doute la garantie ultime des libertés, l’arme désespérée peut-être, qui
reste aux citoyens quand tout élus,
juges, …- a cédé devant des entreprises liberticides. En d’autres
termes, l’usage par les citoyens de leurs libertés est certainement la
meilleure garantie pour ces libertés, et chacune est, au bout du compte, une
protection pour l’autre. Parmi
toutes ces libertés, il en est une, cependant, à laquelle le Conseil
constitutionnel accorde une place particulière : la libre communication des
pensées et des opinions. Elle est, dit-il dans sa décision du 11 octobre
1984, une “ liberté fondamentale d’autant plus précieuse que son
existence est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits
et libertés et de la souveraineté nationale ”. Ce qui donne en effet aux
droits et libertés leur sens pratique, c’est l’exercice d’un choix,
choix de son parti, de son syndicat, de son journal, de sa religion, de sa vie
privée, …Or, pour que chacun soit en situation d’exercer librement ces
choix, il faut que les idées et les opinions circulent librement. Cette libre
circulation est même la garantie de la démocratie dans l’exacte mesure où
elle est le terreau sur lequel poussent toutes les autres libertés,
individuelles et collectives, politiques et culturelles, économiques et
sociales ; sans elle, elles dépérissent et la démocratie se transforme en
dictature. Sans remonter aux temps anciens, Voltaire a su, par
l’information, par les écrits, par la parole, éveiller la conscience de
l’opinion pour la faire devenir une force capable de faire revenir le
pouvoir sur des décisions arbitraires ; le “ J’accuse ” de Zola
reste sans doute le symbole du rôle bénéfique que peut jouer la presse pour
la défense des libertés et de ceux qui se battent pour elles. Aujourd’hui,
de la révélation des situations faites aux minorités et peuples oubliés à
celle du sang contaminé, des enquêtes sur la qualité de l’alimentation à
celles sur la vache folle, la presse a incontestablement contribué à donner
les informations permettant à l’opinion de savoir et d’agir pour la défense
des droits à la vie, à l’identité, à un environnement sain, à la santé
et au respect de la dignité humaine. Même si, évidemment, elle n’est pas
elle-même à l’abri de critiques qui sont autant d’appels à ce qu’elle
exerce son rôle avec plus d’indépendance. La
garantie des droits fondamentaux est principalement affaire d’institutions ;
non parce que le droit serait doué de toutes les vertus, mais parce que, par
la mise en distance qu’il produit, il construit un espace de protection
contre les formes spontanées ou primitives de l’arbitraire. Encore faut-il,
pour que l’ensemble tienne, non seulement que les libertés individuelles
“ illuminent les consciences ” pour reprendre le mot du doyen Vedel, mais
surtout qu’elles informent sans cesse la pratique quotidienne des hommes. Bibliographie ROBERT
J. et OBERDORFF H., Libertés fondamentales et droits de l’homme,
Recueil de textes nationaux et internationaux, Montchrestien, 1998. 25/49
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