THEME 2 : 
“ EXERCICE DE LA CITOYENNETE, FORMES DE PARTICIPATION POLITIQUE
 ET ACTION COLLECTIVE ”  

 

Fiche ressource 2 :

 Histoire et actualité de la laïcité

 

Position du problème

La laïcité, concept fondateur de la République française, inscrit dans la Constitution depuis 1946, est issue d’une longue histoire politique. Le terme, venant du radical grec laos : “ ce qui se rapporte au peuple, qui vient du peuple, ” est utilisé du Moyen-âge aux Lumières pour désigner ce qui n’est pas lié au religieux ou au clergé. Le substantif, lui, est utilisé dans le vocabulaire politique à partir de 1871.

Aujourd’hui encore, avec la France, seuls quelques Etats en ont inscrit dans leur constitution les deux principes fondamentaux, à savoir : l’obligation de l’Etat de ne pas intervenir dans les convictions de chacun et l’égalité de tous devant la loi quelle que soit leur religion.

Dans son acception actuelle, le concept sous-entend donc la nécessaire séparation des Eglises et de l’Etat, ainsi que l’égalité des différents cultes dans la République. Dans toute société démocratique, la citoyenneté est dissociée de l’appartenance religieuse. La laïcité n’est en aucun cas synonyme de laïcisme (le refus du religieux), pas plus qu’assimilable à une simple tolérance.

 

La laïcité et l’histoire de l’école :

La sécularisation de l’éducation est un phénomène général en Europe, mais la laïcité a en France, pour des raisons historiques, en particulier la rupture entre la Révolution française et l’Eglise, un contenu spécifique. La laïcité était, au XIXème siècle, non seulement une séparation des institutions, mais aussi un projet moral et politique : établir, par une morale laïque, une citoyenneté qui fonde la République.

 

Historique

Dans la tradition révolutionnaire, l’école doit forger la citoyenneté et assurer l’unité de la nation. Les éducateurs ont une magistrature intellectuelle et morale ; ils sont porteurs de l’intérêt général. L’Etat doit être le garant de l’indépendance des enseignants par rapport aux influences religieuses. L’Eglise, au contraire, tend à défendre alors son rôle de corps social intermédiaire, développant ses propres écoles et surveillant celles de l’Etat. Selon les rapports de force, le siècle est ponctué d’avancées et de reculs. Les lois de 1881-1883 et 1905 sont aussi des lois de compromis. Elles ne sont pas antireligieuses. Les principes en sont la séparation institutionnelle et la liberté de conscience. Scolairement, cette laïcité s’inscrit dans une morale méritocratique, concrétisée par un système scolaire dualiste. Il s’agit de construire un citoyen libre, mais aussi raisonnable et modéré. Il y a donc déjà une tension entre la volonté de rendre libre et le souci de gouvernement. Cette laïcité va très au-delà de la liberté de conscience. Elle vise à constituer et diffuser une idéologie appuyée sur le progrès et le patriotisme.

La République a le sentiment de sa fragilité. Elle délègue donc au corps enseignant public la fonction d’incarner la nation, l’intérêt général. L’enseignement privé est toléré mais doit rester marginal, de même que l’exercice du droit des familles à concourir à l’éducation des enfants.

 

Enjeux actuels

La bataille la plus spectaculaire a été celle entre enseignements public et privé. A partir de la fin des années quarante, l’Eglise catholique reconnaît la laïcité de l’Etat, mais tente de faire reconnaître la liberté d’enseignement comme liberté fondamentale. Il s’agit de dissocier la laïcité de l’Etat de celle de l’école. Cette conception avance avec les lois Marie et Barangé, mais surtout avec la loi Debré, qui fait des établissements sous contrat un quasi enseignement public qui marie la reconnaissance de jure du privé et les obligations du service public (accueil obligatoire des élèves, liberté de conscience des élèves et des professeurs, programmes nationaux, contrôle public des contenus).

 

Les conflits de 1984 (échec de la proposition Savary d’un service public unifié pluraliste) et 1996 (maintien des dispositions financières de la loi Falloux encore en vigueur) ont encore opposé en apparence les deux France du XIXème. Cependant, depuis la fin des années 1980, apparaît une attitude surtout consumériste : de nombreux parents voient dans l’existence de l’enseignement privé une liberté de choix beaucoup plus qu’une possibilité de formation religieuse pour leurs enfants. La question aujourd’hui est de savoir ce que l’on entend par laïcité, au-delà de la neutralité institutionnelle.

 

D’où quatre problèmes actuels :

- Comment organiser aujourd’hui un “ vivre ensemble ” entre deux systèmes d’enseignement ?

- Comment intégrer les populations de tradition musulmane dont le parcours historique n’est pas le même ?

- Comment éviter que le respect de la laïcité ne signifie le déni des références religieuses ?

- Comment redéfinir une morale laïque qui, au prétexte d’écarter des attitudes d’exclusion, deviendrait une morale de l’indifférence où tout se vaudrait ?

 

La laïcité du point de vue du droit dans l’Ecole :

La laïcité – séparation : le maître.

Loi du 30 octobre 1886 : dans les écoles publiques, l’enseignement est exclusivement donné par des personnels laïcs. On distingue la liberté de conscience et la liberté d’expression. Les tribunaux administratifs sont constants sur cette question, au nom du respect de la liberté de conscience des élèves. Les enseignants ne doivent porter aucun signe distinctif, philosophique, politique ou religieux.

 

La laïcité – neutralité : l’enseignement

Dans l’affaire du voile, à Creil, le Conseil d’Etat a rappelé les principes de neutralité de l’enseignement et des programmes. Pour les tribunaux, les enseignants sont des agents publics et tenus comme tels aux devoirs de neutralité et de réserve. Les manuels sont tenus aussi à la neutralité. Le juge administratif ne s’est pas encore exprimé sur l’enseignement des religions.

 

La laïcité – liberté : l’élève.

Juridiquement, la liberté d’enseignement et la légalité du financement public de l’enseignement privé sont des garanties constitutionnelles. Par ailleurs les élèves ont des droits légaux (de réunion, d’association).

Quelles sont les limites de ces droits ? Le Conseil d’Etat a pour tradition constante de favoriser la liberté et n’en accepte la restriction que si la loi le prévoit expressément ; d’où la décision prise en faveur du port du voile (arrêt Queroy du 2 novembre 1992, sur le règlement intérieur du collège Montfermeil qui interdisait le port de tout signe distinctif). Sur 29 arrêts en 1996, cette position du Conseil d’Etat est constante. Par contre, 4 arrêts confirment l’exclusion d’élèves pour prosélytisme ou trouble à l’ordre. Juridiquement, c’est au chef d’établissement, et à lui seul, de décider qui il accepte ou non dans l’école.

 

Pratiques de la laïcité dans les établissements :

a) Exemples concrets :

- Pratique religieuse : dans les lycées avec internat, l’ouverture d’une aumônerie est de droit. Elle est toujours demandée de façon officielle par les familles. Ses activités ont normalement lieu, pour les établissements publics, en dehors des locaux du lycée.

- Signes distinctifs : Il s’agit d’un problème passionnel, en particulier concernant le port du voile islamique, où les positions sont extrêmement tranchées. En fait, le problème est peu fréquent, mais fortement médiatisé. On trouve d’un côté, des arguments de défense de la République et donc de l’école laïque, de l’autre, de défense de la fonction libératrice de l’école pour les jeunes filles. Le chef d’établissement doit rester sur le plan du droit : veiller au contenu du règlement intérieur, au respect de l’obligation de l’assiduité aux enseignements. Le rôle du chef d’établissement est aussi de mener si nécessaire la négociation avec les enseignants, avec les élèves, avec les familles.

- Pratiques spécifiques (alimentaires par exemple) : les règles des minorités sont respectées quand c’est possible matériellement, sans trouble de l’ordre de l’établissement et à la condition que la minorité n’impose pas sa règle à la majorité.

 

b) Du débat à la mise en pratique :

La montée des intégrismes est une réalité. Ceci se traduit parfois par une exclusion des opinions et un rejet du débat à l’école, pourtant indispensables à la formation du citoyen. La peur du politique dans l’institution a été au moins aussi forte que celle du religieux. Cependant, à force de neutralité, on risque de susciter l’indifférence. L’objectif n’étant pas une “ laïcité d’abstention ”, il faut donc en venir à une conception positive de la laïcité :

- apprendre aux élèves à faire des choix raisonnés, et à accepter l’autre, même différent ; leur donner des repères et leur apprendre les règles du débat.

- leur faire prendre conscience qu’ils partagent un espace politique démocratique commun. Au-delà de l’éducation civique, juridique et sociale, cela amène à trouver des lieux et des activités propices au débat et à la prise de responsabilités : conseil de classe, conseil de délégués, conseil de la vie lycéenne, associations d’élèves, activités culturelles. Cela concerne l’ensemble des personnels d’éducation et d’enseignement.

 

Conclusion :

La laïcité est une notion évolutive. Le débat, que l’on avait pu croire clos, rebondit, parce que lasociété et ses pratiques ont évolué mais aussi parce que la notion de laïcité n’a cessé de s’enrichir. Le débat est inséparable de celui sur la responsabilité de l’école dans la formation du citoyen. La laïcité est la condition juridique de la liberté de conscience et d’opinion.

 

Brève chronologie

- 1789 Les biens de l’Eglise sont mis à la disposition de la Nation

- 1790 Constitution civile du clergé.

- 1795 Tentative de séparation de l’Etat et des cultes et proposition d’une église gallicane par l’abbé Grégoire.

- 1801 Concordat.

- 1833 Loi Guizot (une école primaire de garçons par commune. Autorisation de création d’écoles primaires privées).

- 1852 Loi Falloux (le clergé contrôle l’enseignement public. L’enseignement secondaire privé est autorisé).

- 1881-1882 Loi Ferry (école primaire laïque, gratuite et obligatoire pour tous les enfants de 6 à 13 ans. Suppression de l’enseignement religieux à l’école, mais maintien des “ devoirs enversDieu ”).

- 1884 Loi Naquet (rétablissement du divorce).

- 1886 loi Goblet (laïcisation du personnel enseignant public).

- 1905 Loi Brilland (séparation des Eglises et de l’Etat. “ l’Etat ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte ”). 34/49

- 1906 L’enseignement public est confié exclusivement à l’université, dont les grades sont obligatoires pour les enseignants. Monopole d’état de la collation des grades. Enseignement religieux obligatoire.

- 1946 Article 1 de la Constitution. “ la République est laïque démocratique et sociale ”.

- 1951 Loi Marie et Barangé (Premières subventions aux écoles privées).

- 1959 Loi Debré (Institution de contrats entre l’Etat et les écoles privées).

- 1984 Retrait du projet Savary.

- 1994 Retrait du projet de transformation des dispositions encore en vigueur de la loi Falloux.

 

Bibliographie

COSTA-LASCOUX J., Les Trois âges de la laïcité, Hachette,coll. “ Questions de politique ”, 1996.

BOUCHET G, Laïcité et enseignement, Armand Colin, coll. “ Formation des enseignants ”, 1996.

Pouvoirs, n°75, “ La laïcité ”, 1996.

Problèmes politiques et sociaux, n°768, “ La laïcité, évolution et enjeux ”, La Documentation Française, 1996.

Le Monde de l’éducation, “ La laïcité ”, mai 1999. 35/49

 

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actualisé le 13/09/00