école d'Urrugne Socoa
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Le Lièvre et la Tortue

Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.
Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage.
Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point
Sitôt que moi ce but. Sitôt ? Êtes-vous sage ?
Repartit l'animal léger.
Ma commère, il vous faut purger
Avec quatre grains d'ellébore.
Sage ou non, je parie encore.
Ainsi fut fait : et de tous deux
On mit près du but les enjeux.
Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire ;
Ni de quel juge l'on convint.
Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire ;
J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint
Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux Calendes,
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter
D'où vient le vent, il laisse la Tortue
Aller son train de Sénateur.
Elle part, elle s'évertue ;
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire ;
Tient la gageure à peu de gloire ;
Croit qu'il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s'amuse à toute autre chose
Qu'à la gageure. À la fin, quand il vit
Que l'autre touchait presque au bout de la carrière,
Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit
Furent vains : la Tortue arriva la première.
Eh bien, lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi l'emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?

Jean de La Fontaine (1621-1695)


Les nénuphars

L'étang dont le soleil chauffe la somnolence
Est fleuri, ce matin, de beaux nénuphars blancs ;
Les uns, sortis de l'eau, se dressent tout tremblants,
Et dans l'air parfumé leur tige se balance.

D'autres n'ont encor pu fièrement émerger :
Mais leur fleur vient sourire à la surface lisse.
On les voit remuer doucement et nager :
L'eau frissonnante affleure aux bords de leur calice.

Edmond Rostand (1868 - 1918)


Romance

Le bleu matin
Fait pâlir les étoiles.
Dans l’air lointain
La brume a mis ses voiles.
C’est l’heure où vont,
Au bruit clair des cascades,
Danser en rond,
Sur le pré, les Dryades.

Matin moqueur,
Au dehors tout est rose.
Mais dans mon cœur
Règne l’ennui morose.
Car j’ai parfois
À son bras, à cette heure,
Couru ce bois.
Seule à présent j’y pleure.

Le jour paraît,
La brume est déchirée,
Et la forêt
Se voit pourpre et dorée.
Mais, pour railler
La peine qui m’oppresse,
J’entends piailler
Les oiseaux en liesse.

 Charles Cros (1842 - 1888)

Page d'écriture

Deux et deux quatre
quatre et quatre huit
huit et huit font seize…
Répétez ! dit le maître
Deux et deux quatre
quatre et quatre huit
huit et huit font seize.
Mais voilà l’oiseau-lyre
qui passe dans le ciel
l’enfant le voit
l’enfant l’entend
l’enfant l’appelle:
Sauve-moi
joue avec moi
oiseau !
Alors l’oiseau descend
et joue avec l’enfant
Deux et deux quatre…
Répétez ! dit le maître
et l’enfant joue
l’oiseau joue avec lui…
Quatre et quatre huit
huit et huit font seize
et seize et seize qu’est-ce qu’ils font ?
Ils ne font rien seize et seize
et surtout pas trente-deux
de toute façon
et ils s’en vont.
Et l’enfant a caché l’oiseau
dans son pupitre
et tous les enfants
entendent sa chanson
et tous les enfants
entendent la musique
et huit et huit à leur tour s’en vont
et quatre et quatre et deux et deux
à leur tour fichent le camp
et un et un ne font ni une ni deux
un à un s’en vont également.
Et l’oiseau-lyre joue
et l’enfant chante
et le professeur crie:
Quand vous aurez fini de faire le pitre !
Mais tous les autres enfants
écoutent la musique
et les murs de la classe
s’écroulent tranquillement.
Et les vitres redeviennent sable
l’encre redevient eau
les pupitres redeviennent arbres
la craie redevient falaise
le porte-plume redevient oiseau.

Jacques Prévert (1900-1977)


La Potion magique de Georges Bouillon

Une puce, un pou, une punaise des bois,
Deux gros escargots et trois lézards gras,
Un serpent de mer tortillant gluant,
Du jujubier le jus du fruit,
La poudre d'os d'un marsupilami,
Et puis mille et un autres produits,
Sentez-vous ? Vraiment répugnant.
Je remue, fais bouillir longtemps.
Belle mixture, en vérité !
C'est prêt !
Bouchez-vous le nez !
Et une cuillerée pour Grandma !
Allons, avale-moi ça !
C'est bon, n'est-ce pas ?
Va-t-elle éclater ? Exploser ?
S'envoler par-dessus les toits ?
S'évanouir dans la fumée ?
Pétiller comme du Coca ?
Qui sait ? En tout cas, pas moi !
Ma chère, chère Grand-maman,
Si tu savais ce qui t'attend...

Roald Dahl (1916-1990)