Les Landes, de Bazas à Mont-de-Marsan, ne sont autre chose
qu'une interminable forêt de pins, semée çà
et là de grands chênes, et coupée d'immenses
clairières que couvrent à perte de vue les landes
vertes, les genêts jaunes et les bruyères violettes.
La présence de l'homme se révèle dans les parties
les plus désertes de cette forêt par de longues lanières
d'écorces enlevées au tronc des pins pour l'écoulement
de la résine.
Point de villages ; mais d'intervalles en intervalles deux ou trois
maisons à grands toits, couvertes de tuiles creuses à
la mode d'Espagne, et abritées sous des bouquets de chênes
et de chataigniers. Parfois le pays devient plus âpre, les
pins se perdent à l'horizon, tout est bruyère ou sable
; quelques chaumières basses enfouies sous une sorte de fourrure
de fougères sèches appliquées au mur, apparaissent
çà et là, puis on ne les voit plus, et l'on
ne rencontre plus rien au bord de la route que la hutte de terre
d'un cantonnier, et par instants un large cercle de gazon brûlé
et de cendre noire indiquant la place d'un feu nocturne. Toutes
sortes de troupeaux paissent dans ces bruyères, troupeaux
d'oies et de porcs conduits par des enfants, troupeaux de moutons
noirs et roux conduits par des femmes, troupeaux de bufs à
grandes cornes conduits par des hommes à cheval. Tel troupeau,
tel berger.
Sans m'en apercevoir, en croyant ne peindre qu'un désert,
je viens d'écrire une maxime d'état. Et à ce
propos, croirez-vous qu'au moment où je traversais les Landes,
tout y parlait politique ? Cela ne va guère à un pareil
paysage, n'est-ce pas ? Un souffle de révolution semblait
agiter ces vieux pins.
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