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              Le vieux Bordeaux
             Ces 
              carrefours inextricables, ces labyrinthes de passages et de bâtisses 
              cette rue des Loups qui rappellent le temps où les loups 
              venaient dévorer les enfants dans l'intérieur de la 
              ville, ces maisons-forteresses jadis hantées par les démons 
              d'une façon si incommode qu'un arrêt du Parlement déclara 
              en I596 qu'il suffisait qu'un logis fut fréquenté 
              par le diable pour que le bail en fut résilié de plein 
              droit, ces façades couleur amadou sculptées par le 
              fin ciseau de la Renaissance, ces portails et ces escaliers ornés 
              de balustres et de piliers torses peints en bleu à la mode 
              flamande, cette charmante et délicate porte de Caillau bâtie 
              en mémoire de la bataille de Fornoue, cette autre belle porte 
              de l'Hôtel-de-ville qui laisse voir son beffroi si fièrement 
              suspendu sous une arcade à jour, ces tronçons informes 
              du lugubre fort du Hâ, ces vieilles églises, St André 
              avec ses deux flèches, St Seurin dont les chanoines gourmands 
              vendirent la ville de Langon pour douze lamproies par an, Ste Croix 
              qui a été brûlée par les normands[,] 
              St Michel qui a été brûlée par le tonnerre, 
              tout cet amas de vieux porches, de vieux pignons et de vieux toits, 
              ces souvenirs qui sont des monuments, ces édifices qui sont 
              des dates, seraient dignes, certes, de se mirer dans l'Escaut comme 
              ils se mirent dans la Gironde, et de se grouper parmi les masures 
              flamandes les plus fantasques autour de la cathédrale d'Anvers. 
              
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