Carte    Texte intégral    
  
    Bordeaux      Les Landes      Bayonne et Biarritz
1. Prenez Versailles et mêlez-y Anvers
2. Le vieux Bordeaux

3. 
La Gironde et les Bordelaises
4. 
Bordeaux ville d'histoire
5. 
Le Bordeaux disparu
6. 
Le pont de Bordeaux
7. 
La cathédrale Saint-André
8. 
Plaidoyer pour la sauvegarde du patrimoine de Bordeaux
9. 
Les momies de Saint-Michel
10. 
La tour Saint-Michel
11. Les Landes ; les pins
12. 
Au-delà de Roquefort
13. 
Les sables des Landes
14. 
De Roquefort à Tartas
15. 
Les lièvres de Tartas
16. 
Le pont de Dax
17. Une maison sur le port de Bayonne
18. 
Une vue générale de Bayonne
19. 
La cathédrale de Bayonne
20. 
Vue de Biarritz
21. 
Les baigneuses de Biarritz
22. 
Une vision prophétique de Biarritz
23. 
De Bayonne à Biarritz, les aléas d'un touriste
24. 
Le château de Marrac, un épisode historique

17. Une maison sur le port de Bayonne


Du reste, aux Ruines de Babylone près, je me rappelle avec bonheur ce mois passé à Bayonne. Il y avait au bord de l'eau sous des arbres une belle promenade où nous allions tous les soirs. Nous faisions en passant la moue au théâtre où nous ne mettions plus les pieds et qui nous inspirait une sorte d'ennui mêlé d'horreur. Nous nous asseyions sur un banc, nous regardions les navires, et nous écoutions notre mère nous parler, noble et sainte femme qui n'est plus aujourd'hui qu'une figure dans ma mémoire, mais qui rayonnera jusqu'à mon dernier jour dans mon âme et sur ma vie.

La maison que nous habitions était riante. Je me rappelle ma fenêtre où pendaient de belles grappes de mais mûr. Pendant tout ce long mois, nous n'eûmes pas un moment d'ennui ; j'excepte toujours Les Ruines de Babylone. Un jour nous allâmes voir un vaisseau de ligne mouillé à l'embouchure de l'Adour. Une escadre anglaise lui avait donné la chasse ; après un combat de quelques heures il s'était réfugié là, et les anglais le tenaient bloqué. J'ai encore présent, comme s'il était sous mes yeux ; cet admirable navire qu'on voyait à un quart de lieue de la côte, éclairé d'un beau rayon de soleil, toutes voiles carguées, fièrement appuyé sur la vague, et qui me paraissait avoir je ne sais quelle attitude menaçante, car il sortait de la mitraille et il allait peut-être y rentrer.
Notre maison était adossée aux remparts. C'est là, sur les talus de gazon vert, parmi les canons retournés la lumière sur l'herbe et les mortiers renversés la gueule contre terre, que nous allions jouer dès le matin. Le soir, Abel, mon pauvre Eugène et moi, groupés autour de notre mère, barbouillant les godets d'une boîte à couleurs, nous enluminions à qui mieux mieux de la manière la plus féroce les gravures d'un vieil exemplaire des Mille et une nuits. Cet exemplaire m'avait été donné par le général Lahorie, mon parrain mort, quelques mois après l'époque dont je parle, à la plaine de Grenelle.