Au-delà de Roquefort, les Landes sont égayées
par des tuileries qu'on rencontre de temps à autre ; les
unes abandonnées et fort anciennes, remontant jusqu'à
Louis XIII, ce qu'atteste le maître claveau de leurs archivoltes
; les autres en plein travail et en plein rapport, et fumant de
toutes parts comme un fagot de bois vert sur un grand feu.
Il
y a trente ans, étant tout enfant, j'ai voyagé dans
ce pays. Je me rappelle que les voitures marchaient au pas, les
roues ayant du sable jusqu'au moyeu. Il n'y avait pas de voie tracée.
De temps en temps on trouvait un bout de chemin formé de
troncs de pins juxtaposés et noués ensemble comme
le tablier des ponts rustiques. Aujourd'hui ces sables sont traversés
de Bordeaux à Bayonne par une large chaussée, bordée
de peupliers, qui a presque la beauté d'un empierrement romain.
Dans un temps donné cette chaussée, effort d'industrie
et de persévérance, descendra au niveau des sables,
puis disparaîtra. Le sol tend à s'enfoncer sous elle
et à l'engloutir comme il a englouti la voie militaire faite
par Brutus qui allait du Cap-Breton, Caput Bruti, à Boïos
aujourd'hui Buch, et l'autre voie, ouvrage de César, qui
traversait Gamarde, Saint-Géours et St Michel de Jouarare.
Je note en passant que ces deux mots, Jovis ara, ara Jovis, ont
engendré bien des noms de villes, lesquels, bien qu'ayant
la même origine, ne se ressemblent guères aujourd'hui,
depuis Jouarre en Champagne et Jouarare dans les Landes jusqu'à
Aranjuez en Espagne.
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